En exclusivité pour nos lecteurs, nous démontrons qu’au lendemain de la rencontre entre Poutine et Erdogan, Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) a remercié la Turquie pour son soutien militaire à Idleb. Ayant officiellement rompu ses liens avec al-Qaïda, HTS regroupe des milliers de combattants issus de cette nébuleuse, et tant les États-Unis que l’ONU estiment qu’elle est toujours liée au réseau fondé par Ben Laden. Bien qu’étant listée comme organisation terroriste par la Turquie depuis août 2018, HTS est un allié majeur d’Ankara à Idleb. De ce fait, ses remerciements aux autorités turques ne font que confirmer ce que nous écrivons dans nos colonnes depuis plusieurs semaines : un pays de l’OTAN s’est ouvertement ligué avec le principal réseau djihadiste en Syrie, et aucune chancellerie occidentale ne s’en émeut outre mesure.
La semaine dernière, Vladimir Poutine a reçu son homologue turc à Moscou afin de discuter du sort de la province d’Idleb – dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et la Turquie. Comme un certain nombre d’experts l’ont souligné, les Russes ont pu imposer leurs conditions à leurs partenaires, après avoir laissé l’armée turque se venger de la frappe aérienne qui avait tué plusieurs dizaines de ses soldats. Or, selon les autorités russes, ces derniers se trouvaient alors avec « des groupes terroristes », ce qui n’est pas surprenant vu l’alliance notoire entre la Turquie et Hay’at Tahrir al-Sham. Nous allons voir qu’elle est désormais publiquement assumée par ce groupe considéré comme terroriste par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Turquie elle-même.
Comme l’a résumé le chercheur syrien Aymenn Jawad al-Tamimi, « la Turquie et la Russie ont récemment convenu d’un cessez-le-feu pour la région nord-ouest de la Syrie. Cet accord faisait suite à une campagne militaire durant laquelle les forces du gouvernement syrien et ses alliés ont obtenu des gains considérables – malgré des revers infligés par les rebelles grâce au soutien militaire direct de la Turquie. Cependant, l’accord entre Moscou et Ankara constitue un camouflet pour les Turcs, à l’aune des précédents appels d’Erdogan pour un retour aux lignes convenues à Sotchi en 2018. En effet, les principaux gains récents de l’armée syrienne et de ses alliés ont été consolidés, notamment le long de l’autoroute M5. Le nouvel accord est aussi plus engageant que celui de Sotchi, sachant qu’il en appelle à l’élimination des groupes “terroristes” désignés comme tels par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies (CSNU). Ces factions comprennent Hay’at Tahrir al-Sham, la principale milice insurgée à Idleb et dans ses environs. »
Expert reconnu du conflit syrien, Aymenn Jawad al-Tamimi a pris l’initiative de traduire la lettre rédigée par HTS après la rencontre entre Erdogan et Poutine. Il en a tiré les enseignements suivants :
1. HTS ne va pas déposer les armes : « La voie de la résistance armée et du djihad doit se poursuivre, quel qu’en soit le coût. En mentionnant l’administration politique et civile dans le Nord, HTS défend le projet du Gouvernement du Salut qu’il a soutenu contre certaines critiques, selon lesquelles l’accent mis sur l’administration civile et la gouvernance a nui aux préparatifs militaires nécessaires pour contrer l’ennemi. »
2. Cette organisation anticipe une escalade prochaine des initiatives militaires russes à Idleb : « Le groupe rejette l’idée que l’on puisse faire confiance à la Russie en tant que garant d’un cessez-le-feu à long terme. En effet, elle s’efforce simplement de consolider les positions de son allié, le gouvernement syrien. Il ne faudra pas longtemps pour qu’une nouvelle trahison contre la révolution ne se produise. »
3. Elle observe également que cet accord entre Moscou et Ankara « permet (…) à la Russie de prendre le contrôle de zones sans combattre, à un moment où les factions insurgées avaient repris l’initiative. »
4. Enfin, mais surtout, HTS remercie la Turquie pour son appui militaire. Comme le rapporte Aymenn Jawad al-Tamimi, cette organisation estime que « le gouvernement turc doit être remercié pour sa position en faveur de la révolution et des civils. Or, pour que cette aide soit complète, elle devrait permettre de ramener les personnes déplacées dans leurs localités ». En d’autres termes, les efforts militaires lancés par la Turquie auraient dû être poursuivis, selon HTS.
Sur ce dernier point, la lettre de ce groupe djihadiste indique explicitement que la Turquie doit être remerciée pour son soutien direct en sa faveur : « La dernière fois, les factions militaires [appuyées par les Turcs] ont repris l’initiative en récupérant 20 villages à Jabal al-Zawiya, et un certain nombre de localités dans les environs de Saraqeb. L’ennemi a été menacé sur d’autres fronts qui étaient sur le point d’être à nouveau libérés, en plus de la destruction des forces d’élite tant chez l’occupant iranien et que chez les milices d’Assad, et des centaines de véhicules lourds et de pièces d’artillerie [neutralisés]. Nous remercions le gouvernement turc d’avoir clairement soutenu la révolution syrienne, et d’avoir participé avec elle à la défense des civils et à leur protection lors de cette récente bataille ».
Or, comme un porte-parole du Pentagone l’a récemment admis, HTS est une menace pour la population locale au même titre que les forces syriennes et ses alliés qui la bombardent. Selon d’autres sources bien informées, cette organisation tient Idleb d’une main de fer, d’autant plus qu’elle est hostile à la démocratie et favorable à la charia. Quelle étrange « révolution » appuyée par l’armée et les services spéciaux turcs… En clair, le silence occidental face à l’alliance notoire d’un pays de l’OTAN avec des dizaines de milliers de djihadistes est de plus en plus gênant. Il ne doit pourtant pas nous surprendre, au vu de l’implication clandestine des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne dans l’opération Timber Sycamore, qui échoua à renverser Assad mais qui renforça un certain nombre de groupes islamistes aujourd’hui soutenus par Erdogan.
Maxime Chaix
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Djihad, high-tech et barbouzes : les détails de la contre-offensive turque à Idleb | Groupe Gaulliste Sceaux
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