Oubliant qu’ils ont minimisé la gravité de cette pandémie jusqu’à la mi-mars, le gouvernement et le chef de l’État multiplient les sorties calamiteuses dans les médias. « Nous sommes en guerre », clamait Emmanuel Macron le 16 mars. En même temps, il avait décidé la veille de maintenir le premier tour des élections municipales quelques heures avant d’annoncer la fermeture des commerces « non essentiels », celle des écoles étant déjà prévue depuis quatre jours. Injonctions paradoxales, improvisation, mensonges d’État… Au final, il s’avère que « nous sommes en [guère] » – guère de tests, de masques FFP2, de gel hydro-alcoolique et d’autres moyens de limiter la propagation de cette pandémie. Rendu plus difficile à supporter par cet état de « guère » qui nous empêche d’en sortir, ce confinement et la communication chaotique de nos gouvernants auront des conséquences désastreuses en termes de santé publique, de prospérité économique et de paix civile – sans parler de nos libertés publiques et de notre sécurité nationale. Cette catastrophe est d’ailleurs ce à quoi nos dirigeants nous préparent, pour qui sait lire entre les lignes. Décryptage d’un naufrage.
Nous sommes le 6 mars dernier. Selon BFMTV, « Emmanuel et Brigitte Macron [se rendent] au théâtre pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus ». Dix jours plus tard, le chef de l’État nous annonce que « nous sommes en guerre », et décrète un confinement sans vote parlementaire après avoir maintenu le premier tour des élections municipales organisé la veille. Inutile de revenir sur les trop nombreuses improvisations, contradictions et approximations qui ont rudement mis à l’épreuve nos psychologies respectives. En effet, ces erreurs – voire ces fautes au sens pénal du terme –, sont amplement documentées. Il serait donc inutile de les analyser à nouveau. Dans tous les cas, il nous est rassurant de relativiser, voire de minimiser l’impact de ce confinement, et de la communication chaotique de nos gouvernants face à cette crise. « Il y a bien pire en termes de gestion de crise dans d’autres pays », pourrait-on se dire. Hélas, il y a aussi bien mieux, et surtout bien plus rationnel.
Soyons lucides : ces politiques largement improvisées auront des conséquences toxiques à grande échelle, sachant qu’elles induisent à la fois un risque majeur de développement de pathologies – dont la dépression, les addictions ou des maladies encore plus sévères –, et qu’elles impliquent également une crise économique d’une ampleur jamais observée depuis des décennies. Malheureusement, une forte récession après une longue période de confinement pourrait aggraver davantage les pathologies précitées, et mettre en péril notre paix civile. Selon l’une de nos sources bien informées, qui travaille dans le Renseignement intérieur, « la hausse drastique du chômage et des faillites qu’engendrera ce confinement pourrait déstabiliser l’ensemble de notre tissu social – alors que la légitimité de nos gouvernants est de plus en plus remise en cause depuis l’affaire Benella, soit avant même la crise des Gilets Jaunes. La réponse brouillonne de nos dirigeants face à cette pandémie est un facteur d’aggravation considérable de ces tensions dans la société. Nous observons donc une agressivité et une conflictualité en augmentation constante, et pas seulement dans les quartiers sensibles. C’est très inquiétant. »
En résumé, si ce confinement se poursuit à défaut de matériel et de vision stratégique pour en sortir, nous pourrions réellement être « en guerre » – sachant que nous sommes « en guère ». Guère de moyens, guère de tests, guère de masques FFP2, guère de blouses et autres équipements de protection pour les personnels soignants, les forces de l’ordre, les travailleurs exposés. En d’autres termes, guère de moyens de nous permettre d’espérer une fin progressive, durable et sécurisée de ce confinement qui mine notre économie et menace d’engendrer une avalanche de pathologies. Comme l’a observé notre confrère Guillaume Bigot, « lors de sa dernière intervention, le Président de la République s’est adonné à sa lubie, pour ne pas dire sa manie : le “en même temps”. Le 11 mai, je déconfine. En même temps, je déconfine si les conditions sont réunies. Ce sera donc certainement le 11 mai. Et en même temps, ce ne sera sûrement pas le 11 mai. Le chef de l’État s’est refusé à détailler les conditions permettant de tenir cet engagement et à exposer celles qui différeraient sa mise en œuvre. Emmanuel Macron dégoupillait une grenade. Le lendemain, le ministre de l’Intérieur Castaner tentait de remettre prudemment la goupille : “Le 11 mai, c’est une date qui reste à conquérir.” Blanquer, son collègue de l’Éducation nationale, volait à son secours : “Le retour à l’école le 11 mai ne sera pas obligatoire.” Attendant sa livraison de masques “Made in China” pour la fin du mois de juin, leur confrère du Quai d’Orsay n’aurait pas mieux dit. » Guillaume Bigot souligna alors la vacuité de la récente conférence de presse d’Édouard Phillipe, d’Olivier Véran et de Jérôme Salomon. Nous estimons au contraire que, si elle est prise en compte dans un plus vaste contexte, elle a son importance.
En effet, Édouard Philippe y a tenu un discours catastrophiste sur les conséquences de cette pandémie, et du confinement qui en résulte. Le même jour, le directeur de la Banque de France nous expliquait que l’endettement qui allait résulter de cette crise devrait être « remboursé », ce qui induit un retour inévitable à l’austérité. Le lendemain, dans un entretien au Monde, Jean-Yves Le Drian nous révélait que sa « crainte, c’est que le monde d’après ressemble au monde d’avant, mais en pire ». Le message est passé : les « jours heureux » attendront. En parallèle, aucune stratégie de sortie de crise n’est divulguée une vingtaine de jours avant ce fameux 11 mai. En clair, nous avons été, nous sommes, et il semblerait bien que nous restions un certain temps « en guère » face au Covid-19 et à ses conséquences. Dans un tel contexte, l’actuel locataire de l’Élysée ose déclarer qu’il « assume totalement » des décisions désastreuses dont il ne peut être tenu pour responsable devant les tribunaux, en vertu de son immunité présidentielle. Face à de telles incohérences, il ne nous reste plus qu’à être patients, à défaut de pouvoir envisager de réelles perspectives de déconfinement.
Maxime Chaix