La raison inavouable de l’acharnement du clan Obama contre Michael Flynn

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Alors que l’affaire du Russiagate s’écroule, de nouveaux éléments remettent en cause la crédibilité des accusations qui pèsent sur Michael Flynn, l’éphémère conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump. Or, l’acharnement judiciaire qu’il a subi dès janvier 2017 n’est pas sans lien avec ses positions constantes sur le dossier le plus sensible de l’administration Obama, dans lequel les principaux architectes de sa politique étrangère sont compromis. Un retour en arrière est donc indispensable pour comprendre ce processus, et la politisation flagrante des principales agences du Renseignement américain. En effet, si Michael Flynn est loin d’être une personne irréprochable, il est désormais clair que les poursuites qui le visent relèvent davantage de la vengeance que de la Justice. Décryptage. 

 

Aux États-Unis, la politisation flagrante du Renseignement et de la Justice 

 

Le 1er décembre 2017, l’éphémère conseiller à la Sécurité nationale du Président Trump, qui est aussi l’ancien directeur du Renseignement militaire du Pentagone (DIA), plaida coupable d’un seul chef d’accusation – celui d’avoir menti au FBI au sujet de deux conversations avec l’ambassadeur de Russie à Washington. Récemment, notre confrère Glenn Greenwald résuma pourquoi ces accusations ne sont pas crédibles, à l’instar de cette affaire du Russiagate : « Jeudi dernier, le Ministère de la Justice déposa une requête visant à rejeter les poursuites contre Michael Flynn. Cette démarche se fonde en partie sur des documents jusqu’alors inconnus. Ces nouveaux éléments révèlent que la conduite du FBI était inappropriée et motivée par des objectifs malhonnêtes. Le Bureau était alors dirigé par James Comey et son adjoint (…) Andrew McCabe, qui fut lui-même contraint de quitter le FBI après avoir été surpris en train de mentir à des agents. » Logiquement, les politiciens et les médias anti-Trump qui ont relayé depuis trois ans ce que Greenwald qualifie de « théorie du complot maximaliste au sujet du Russiagate » ont été furieux de cette décision. 

 

Or, toujours selon Greenwald, « les agents du FBI qui ont interrogé Flynn ont déclaré par la suite qu’ils ne croyaient pas qu’il mentait. Comme CNN l’avait rapporté en février 2017, “les enquêteurs du Bureau ont estimé que Flynn était coopératif, et qu’il leur avait fourni des réponses honnêtes. Bien que Flynn ne se souvienne pas de tout ce dont il a parlé, ils ne croient pas qu’il les ait volontairement trompés, d’après ces fonctionnaires”. Pour cette raison, selon CNN, “le FBI ne devrait pas le poursuivre”. » Cette enquête portait sur des contacts entre Michael Flynn, qui allait devenir le conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, et Sergey Kislyak, l’ambassadeur russe à Washington. Or, en citant le Washington Post, Greenwald rappelle qu’il est normal qu’un futur haut fonctionnaire au sein d’une équipe de transition présidentielle entre en contact avec ses prochains interlocuteurs étrangers.

 

Voici alors l’enseignement clé de cette affaire. Selon Greenwald, « ce que les documents publiés le mois dernier révèlent est ce qui fut évident ces trois dernières années : les pouvoirs des agences de la sécurité nationale – en particulier le FBI, la CIA, la NSA et le Département de la Justice –, ont été systématiquement instrumentalisés dans le cadre des élections de 2016, et ce à des fins politiques plutôt que judiciaires. Bien qu’il y ait eu manifestement des actes de tromperie et de corruption de la part de certains responsables du cabinet Trump, (…) les enquêteurs eux-mêmes se sont massivement livrés à de tels excès. Ils ont ainsi abusé de leurs vastes et invasifs pouvoirs d’enquête et de poursuite afin d’imposer des objectifs idéologiques, des subterfuges politiques, des manipulations électorales et des vendettas personnelles. » Il souligne par ailleurs que les dérives et les abus du cabinet Trump ont été massivement couverts par les médias, contrairement à ceux des enquêteurs et de leurs alliés.

 

Fin 2016, les artisans de l’opération de la CIA en Syrie ont ciblé Flynn le même jour

 

Certes, Michael Flynn est un homme critiquable de nombreuses raisons. Néanmoins, l’acharnement judiciaire qu’il a subi depuis trois ans est suspect dans un contexte où, pour reprendre les termes de Greenwald, « les pouvoirs de la CIA, du FBI et de la NSA ont été (…) instrumentalisés afin de manipuler les résultats des élections et d’obtenir des avantages politiques ». Rappelons alors que, dès novembre 2016, Obama avait mis en garde son successeur sur le recrutement de Flynn en tant que conseiller à la Sécurité nationale – un poste stratégique à la Maison-Blanche. S’en est suivie une série de demandes, par des membres clés du cabinet Obama, d’identification de Michael Flynn dans ses conversations avec l’ambassadeur de Russie à Washington – comme l’indique ce document déclassifié le 13 mai dernier. Précisons alors que, lorsqu’un haut fonctionnaire ou dirigeant étranger est espionné par la NSA, les rapports de renseignement caviardent le nom du (ou des) officiel(s) américain(s) inclus dans ces conversations interceptées. Bien que cette procédure soit légale, nous savons désormais qu’entre novembre 2016 et janvier 2017, 39 hauts responsables de l’administration Obama l’ont déclenchée au sujet des discussions de Flynn avec le plénipotentiaire russe à Washington, Sergey Kislyak.

 

Parmi eux, l’ancienne ambassadrice des États-Uns à l’ONU Samantha Powers – qui fut une partisane acharnée du renversement de Bachar el-Assad –, est celle qui a le plus souvent eu recours à cette procédure sur le dossier Flynn/Kislyak :

 

 

On peut également citer l’ancien directeur de la CIA John Brennan, qui fit cette demande à deux reprises :

 

 

Obsédé par le renversement d’Assad, il fut l’un des fers de lance du Russiagate, une affaire dans laquelle les loyalistes d’Obama ont cherché à accuser Trump de collusions avec Moscou – des allégations qui ne sont désormais plus crédibles. Mentionnons par ailleurs deux officiels dont le nom, le rang et l’institution ont été caviardés, mais qui sont décrits comme des membres du « Principal Groupe sur la Syrie ». Selon nos sources, ils travailleraient à la CIA, ce qui explique que leur identité soit tenue secrète. Il est alors étonnant qu’ils aient demandé à la NSA de révéler l’identité de Flynn à la même date que Brennan, plusieurs hauts responsables de l’OTAN, et le directeur du FBI James Comey – qui allait le poursuivre sur des fondements douteux quelques semaines plus tard :

 

 

La raison inavouable de l’hostilité des Démocrates contre Flynn : son opposition constante à la politique syrienne d’Obama

 

Préconisant un rapprochement avec Moscou sur le dossier syrien, Michael Flynn s’opposa frontalement à la politique anti-Assad de la Maison-Blanche lorsqu’il dirigea le Renseignement militaire du Pentagone, entre 2012 et 2014. En effet, ses positions sur le soutien de l’administration Obama en faveur des djihadistes qui souhaitaient renverser le Président syrien lui ont attiré les foudres de la Maison-Blanche. Comme l’a rapporté notre confrère Seymour Hersh, « le général Dempsey et ses collègues du Comité des chefs d’état-major interarmées ont mis leurs désaccords [en sourdine], (…) et se sont maintenus en fonction. Le général Michael Flynn n’a pas suivi leur chemin. “Flynn provoqua la furie de la Maison-Blanche [d’Obama] en insistant pour dire la vérité sur la Syrie”, déclara Patrick Lang, un ex-colonel de l’armée qui a servi pendant près d’une décennie pour la DIA en tant qu’officier en chef du Renseignement civil au Moyen-Orient. “Il pensait que la vérité était la meilleure chose et ils l’ont poussé dehors. Il ne voulait pas se taire.” »

 

Or, quelle était cette vérité ? Comme l’a résumé Seymour Hersh dans ce même article, « le lieutenant-général Michael Flynn, qui dirigea la DIA entre 2012 et 2014, nous confirma que son agence avait constamment envoyé des mises en garde classifiées aux responsables civils, les alertant des conséquences désastreuses de leurs tentatives de renverser Assad. Selon lui, les djihadistes contrôlaient l’opposition. La Turquie n’agissait pas suffisamment pour stopper l’infiltration illégale de combattants étrangers et d’armes [en Syrie]. “Si les citoyens américains voyaient les rapports (…) que nous produisions quotidiennement, ils pèteraient les plombs”, selon Flynn. “Nous comprenions la stratégie de long terme et les plans de Daech, et nous soulignions également le fait que la Turquie fermait les yeux sur la montée en puissance de [cette organisation] en Syrie.” D’après lui, ces rapports de la DIA “ont été massivement rejetés” par l’administration Obama. “J’avais l’impression qu’ils ne voulaient pas entendre la vérité.” » Au final, ces réticences sont compréhensibles car, sur le terrain, l’« État Islamique » était officieusement considéré par Washington comme un allié objectif pour forcer Assad à quitter le pouvoir.

 

En effet, lors d’une conversation privée au siège new-yorkais des Nations-Unies en septembre 2016, le secrétaire d’État John Kerry expliqua que « la raison pour laquelle la Russie est arrivée [dans ce conflit à l’automne 2015] est le fait que Daech devenait de plus en plus fort. [Cette milice] menaçait de bloquer l’accès à Damas, et ainsi de suite. Et c’est pourquoi les Russes sont entrés en jeu. Ils soutenaient Assad et ils ne voulaient pas d’un gouvernement assuré par Daech. Et nous savions que [cette organisation] se développait. Nous l’observions. Nous pouvions voir que [Daech] devenait de plus en plus puissant, et nous estimions qu’Assad était en danger. Nous pensions toutefois pouvoir gérer la situation – vous savez, qu’Assad pourrait alors négocier [son départ]. Mais au lieu de cela, il a obtenu le soutien de Poutine. C’est vraiment compliqué ». Précisons alors que John Kerry ne fut pas le seul haut responsable à reconnaître que la nébuleuse djihadiste anti-Assad était un atout majeur sur le terrain. 

 

Après sa mise à l’écart du Renseignement militaire du Pentagone durant l’été 2014, Michael Flynn critiqua publiquement la politique syrienne de l’administration Obama. Comme l’avait rappelé notre confrère Nafeez Ahmed, il existe « un document déclassifié de la DIA qui semble indiquer que, dès août 2012, cette agence savait que l’insurrection syrienne soutenue par les États-Unis était dominée par des groupes islamistes, dont “les salafistes, les Frères Musulmans et al-Qaïda en Irak [– soit le futur Daech].” Interrogé sur ce document [en juillet 2015] par Mehdi Hasan, qui remarqua que “les États-Unis aidaient à coordonner les transferts d’armes à ces mêmes milices”, Flynn confirma que les renseignements décrits dans ce rapport étaient tout à fait exacts. Expliquant à Mehdi Hasan qu’il avait lui-même lu ce document, Flynn déclara qu’il faisait partie d’une série d’évaluations diffusées à l’ensemble de la communauté américaine du Renseignement, via lesquelles il tentait de dissuader la Maison-Blanche de soutenir ces groupes [djihadistes anti-Assad], mais en vain. »

 

En clair, les prises de position de Michael Flynn sur la politique syrienne de l’administration Obama ont été particulièrement compromettantes pour la Maison-Blanche, en particulier lorsqu’il les rendit publiques en juillet 2015 et en janvier 2016. Il n’est donc pas surprenant qu’il se soit attiré les foudres d’Obama et de son clan, et ce dès l’époque où il dirigeait le Renseignement militaire du Pentagone. En effet, cette guerre de changement de régime menée par la CIA et ses alliés en Syrie était une opération clandestine. Par conséquent, ses commanditaires ont l’interdiction de la revendiquer. C’est pourquoi le secrétaire d’État John Kerry, puis les deux directeurs de la CIA David Petraeus et John Brennan refusèrent de s’exprimer publiquement sur cette campagne. Le fait que Flynn ait constamment critiqué cette opération et qu’il ait rendu public ce désaccord lui aura coûté cher. En effet, si d’autres raisons furent évoquées par Obama lorsqu’il voulut l’empêcher de travailler pour Trump, il est clair que cette hostilité des Démocrates envers Flynn remonte à l’époque où il tentait de stopper la désastreuse campagne syrienne de la CIA.  

 

Maxime Chaix

 

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