EXCLUSIF : Selon un ex-agent du FBI, « une opération ratée de la CIA a rendu possible le 11-Septembre »

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Début mai, le FBI a dévoilé par accident l’identité d’un diplomate saoudien suspecté d’avoir soutenu deux des futurs pirates de l’air du 11-Septembre. Or, il eût été suicidaire, pour l’Arabie saoudite, d’avoir consciemment planifié ces attentats. En effet, pour la royauté saoudienne, le soutien militaire des États-Unis est crucial, comme on a récemment pu l’observer lorsque Trump menaça Mohammed ben Salmane de stopper cette protection s’il poursuivait sa guerre des prix du pétrole. Selon un ex-agent spécial du FBI que nous avons interrogé, il s’avère que la CIA tenta de recruter ces deux terroristes par l’entremise des services secrets saoudiens – une opération illégale sur le territoire des États-Unis. Selon lui, ces efforts de recrutement d’informateurs potentiels empêchèrent le FBI de mettre sous surveillance ces deux individus, ce qui rendit possible le 11-Septembre. Il estime toutefois que la CIA ignorait la préparation de ces attentats – un argument que nous ne pouvons ni infirmer, ni confirmer. En exclusivité pour Deep-News.media, cet ex-agent spécial a répondu à nos questions, en nous offrant des détails inédits sur l’une des principales zones d’ombres autour de ces attentats. Révélations.

 

Le 13 mai dernier, le journaliste Michael Isikoff révéla l’identité d’un agent des services secrets saoudiens suspecté d’avoir soutenu deux des futurs pirates de l’air du 11-Septembre. Dans son article publié par Yahoo.com, il expliqua que « le FBI a révélé par inadvertance l’un des secrets les plus sensibles du gouvernement américain à propos des attentats du 11-Septembre : l’identité d’un mystérieux responsable de l’ambassade saoudienne à Washington, soupçonné par des agents [américains] d’avoir fourni un soutien crucial à deux des pirates de l’air d’al-Qaïda. Cette divulgation se base sur la déposition, devant un tribunal fédéral, d’un haut responsable du FBI, en réponse à des poursuites intentées par des familles de victimes du 11-Septembre qui accusent le gouvernement saoudien de complicité dans ces attentats. Cette déposition fut enregistrée le mois dernier, mais rendue publique à la fin de la semaine dernière. Selon un porte-parole des familles des victimes du 11-Septembre, ces révélations constituent une percée majeure dans cette longue affaire. En effet, elles confirment pour la première fois le fait que des agents du FBI enquêtant sur ces attentats aient découvert un lien entre les pirates de l’air et l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington. »

 

À l’évidence, il serait tentant d’en tirer la conclusion que les Saoud auraient planifié les attaques du 11-Septembre, à l’aune de leur soutien permanent en faveur de la nébuleuse djihadiste globale. D’ailleurs, dans son livre intitulé La guerre de l’ombre en Syrie, l’auteur de ces lignes a documenté l’appui des Saoud en faveur de Daech. Pour preuve, rappelons que, durant l’été 2014, le ministre des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal confirma le fait que l’État Islamique était une « réponse » saoudienne à l’influence iranienne en Irak, selon le prestigieux Financial Times. En outre, selon The Atlantic, « les largesses militaires et économiques du Qatar appuyèrent le Front al-Nosra, à tel point qu’un haut responsable de cet émirat [assura] qu’il pouvait identifier les commandants de cette organisation en fonction des quartiers qu’ils contrôlaient dans différentes villes syriennes [en 2014]. Mais l’État Islamique est un autre sujet. Comme un important officiel du Qatar l’a affirmé, “Daech est un projet saoudien.” En fait, cette organisation aurait pu être un aspect majeur de la stratégie clandestine de Bandar en Syrie. »

 

Ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington à l’époque du 11-Septembre, le prince Bandar est suspecté d’avoir supervisé l’opération de soutien des deux futurs pirates de l’air de Ben Laden, comme l’a récemment sous-entendu Yahoo.com. En effet, d’après ce site, l’homme accusé d’avoir soutenu ces deux terroristes s’appelle « Mussaed Ahmed al-Jarrah, un fonctionnaire de niveau intermédiaire au sein de (…) l’ambassade saoudienne à Washington en 1999 et 2000. (…) On sait relativement peu de choses sur cet individu mais, selon d’anciens employés de la représentation diplomatique saoudienne à Washington, il agissait pour le compte de l’ambassadeur (…) Bandar. » Notoirement proche de la famille Bush, ce dernier est sous le feu des critiques depuis plusieurs années du fait que son épouse aurait transmis des milliers de dollars aux deux agents traitants présumés des futurs pirates de l’air du 11-Septembre, Omar al-Bayoumi et Osama Bassnan. D’après certains analystes, le soutien saoudien en faveur de ce binôme terroriste prouverait que Riyad aurait volontairement planifié ces attentats. Si l’on souhaite trouver des réponses simples à un problème complexe, l’on pourrait alors rappeler que le prince Bandar est connu pour son rôle clé dans le soutien des réseaux d’al-Qaïda depuis la guerre secrète de la CIA en Afghanistan, dans les années 1980.  

 

Or, l’appui notoire des Saoud en faveur de la nébuleuse djihadiste globale ne constitue pas une preuve de l’hypothétique planification, par Riyad, des attentats du 11-Septembre. Au contraire, une telle opération contre les États-Unis aurait constitué un casus belli potentiellement fatal pour la royauté saoudienne. Récemment, la menace de Trump de mettre un terme à la protection militaire américaine en faveur de l’Arabie saoudite a contraint Mohammed ben Salmane d’interrompre sa guerre des prix du pétrole. Bien que la relation entre Washington et Riyad est tumultueuse, il est clair que les Saoudiens comptent depuis longtemps sur la protection américaine pour se maintenir au pouvoir. Le fait d’avoir planifié le 11-Septembre aurait donc été suicidaire pour cette pétromonarchie. De ce fait, comment peut-on expliquer le soutien documenté d’un binôme de futurs pirates de l’air par des éléments de l’ambassade d’Arabie saoudite aux États-Unis ? En exclusivité pour Deep-News.media, un ex-agent spécial du FBI nous offre des éléments de réponse qui nous semblent particulièrement crédibles, sans pour autant qu’ils ne résolvent l’ensemble des zones d’ombres autour de ces attentats.

 

Selon l’ex-agent du FBI Mark Rossini, « une opération ratée de la CIA a rendu possible le 11-Septembre »

 

Avant de relayer l’argumentaire de Mark Rossini, il est indispensable de le présenter, et de décrire son rôle central dans le dispositif antiterroriste du Renseignement américain à l’époque du 11-Septembre. Interviewé par l’auteur de ces lignes en 2016, Mark Rossini expliqua que, « le 5  janvier 2000, je travaillais comme agent spécial du FBI détaché dans l’unité Alec Station de la CIA, l’équipe chargée de traquer Oussama Ben Laden et ses associés. Ce matin-là, mon adjoint Doug Miller détecta deux éléments d’al-Qaïda qui s’apprêtaient à entrer aux États-Unis après avoir obtenu un visa à Dubai. Khalid al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi étaient des hommes de Ben Laden. Doug rédigea un Central Intelligence Report (CIR), un mémo d’alerte dont je validai l’envoi au QG du FBI. Or, un responsable de la CIA bloqua mon courriel vers 16  heures. Sans justification, il m’empêcha ainsi de transmettre ce rapport à la direction du Bureau. Ce blocage sera maintenu par ses supérieurs au sein d’Alec Station pendant plusieurs mois. »

 

Durant notre interview, il ajouta que, « si [son] courriel avec le mémo de Doug était parvenu à destination, le FBI aurait détecté ces terroristes sur le sol américain. Ils auraient été mis sous surveillance par John O’Neill, qui fut emporté dans l’effondrement du World Trade Center alors qu’il coordonnait l’évacuation. Ainsi, la cellule des pirates de l’air du 11- Septembre aurait pu être démantelée par le FBI et ces attentats empêchés. Cette idée me hante tous les jours. » En clair, la CIA bloqua ses tentatives de demander la mise sous surveillance de ces deux futurs pirates de l’air, Mark Rossini nous précisant que leur projet terroriste était alors inconnu des autorités américaines. Il est donc crucial de comprendre les raisons de ce blocage. Ainsi, d’après cet ex-agent spécial du FBI, la CIA tentait de recruter ces deux terroristes en tant qu’informateurs, sachant que l’Agence ne disposait d’aucune taupe au sein de cette organisation.

 

Au vu des dernières révélations de Yahoo.com, qui renforcent les suspicions pesant sur l’Arabie saoudite vis-à-vis de son rôle présumé dans le 11-Septembre, Mark Rossini nous a déclaré que cet article constitue « une étape importante pour connaître la vérité sur ces individus liés au gouvernement saoudien, et sur leurs interactions avec deux des pirates de l’air du 11-Septembre. L’identification accidentelle de Mussaed Ahmed al-Jarrah par le FBI a provoqué une vague d’indignation à travers le monde. Le FBI ne lance pas d’enquêtes fédérales à partir d’une simple rumeur. Il ne fait aucun doute que Mussaed a fait l’objet d’une investigation du FBI en vertu de relevés téléphoniques et bancaires, de courriels ou de renseignements humains le liant à Omar al-Bayoumi – qui fut décrit comme un agent des services secrets saoudiens. Or, je déclare sans équivoque que la royauté saoudienne n’a jamais souhaité, planifié ou favorisé la survenance de ces attentats. En réalité, un plan de la CIA et de ses alliés saoudiens visant à surveiller, et éventuellement à recruter les futurs pirates de l’air Khalid al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi comme informateurs a échoué de façon désastreuse. Cet échec a directement conduit aux attaques du 11-Septembre. »

 

Derrière ces dissimulations, une opération illégale de la CIA et des services saoudiens aux États-Unis

 

D’aucuns pourraient alors objecter que Mark Rossini n’est pas une source neutre, à l’aune de sa longue carrière au FBI. Précisons alors qu’il n’est pas en odeur de sainteté vis-à-vis de son ancien employeur. En effet, il fut contraint de démissionner du Bureau en novembre 2008, sachant qu’il allait être condamné l’année suivante par la Justice américaine pour avoir illégalement consulté une base de données confidentielle sur un dossier dont il n’était pas en charge. Il nous rappelle alors que, cette même année 2008, « lorsque James Bamford approcha le QG du FBI pour me faire apparaître dans le documentaire “The Spy Factory”, il fut informé que je ne pouvais pas être interviewé car, selon le directeur du FBI Robert Mueller, la relation entre le FBI et la CIA était plus importante que mon apparition dans ce projet. Selon la direction du Bureau, mon entrevue créerait un conflit entre ces deux agences qui avait mis des années à s’estomper après le 11-Septembre. Or, j’ai malgré tout témoigné dans “The Spy Factory”. Au final, ce qu’a révélé la conversation entre le FBI et Bamford, c’est que mes arguments n’étaient pas inventés. Au contraire, ces révélations devaient être strictement contenues et contrôlées. N’ayant pas enquêté sur mes témoignages, la Commission d’enquête officielle sur le 11-Septembre ne voulait pas les entendre. »

 

Cette frilosité générale autour des révélations de Mark Rossini est compréhensible car, selon lui, « la CIA a mené une opération de surveillance et de recrutement des futurs pirates de l’air al-Midhar et al-Hazmi sur le territoire américain, et un certain nombre d’initiés ont menti sur cette question. Plus précisément, par l’entremise des services secrets saoudiens, l’Agence a mis sous surveillance et tenté de recruter ces éléments d’al-Qaïda – en particulier via Omar al-Bayoumi. Cette opération fut menée avec l’assentiment illégal de plusieurs responsables de la CIA, qui ont tenté d’en dissimuler l’existence en mentant. » Il souligne alors que « le rapport Top Secret de la CIA et de son Bureau de l’Inspection Générale (OIG) sur cette affaire doit être publié, car ce document pourrait confirmer cette opération de recrutement qui a mal tourné. Pour l’instant, la Maison-Blanche considère que le robinet de pétrole est plus important que la vie des citoyens américains. Les faits que j’expose sont concrets, mais l’on préfère éviter de s’y intéresser de plus près. Afin de garantir les approvisionnements pétroliers, nous protégeons la royauté saoudienne, qui a conclu un accord avec les fanatiques wahhabites puritains. À tort ou à raison, ce sont des faits qui poussent tout le monde à baisser les yeux lorsque vous les mentionnez, et à espérer que l’on continuera de les ignorer pour garantir notre accès à leurs réserves pétrolières bon marché. »

 

Certes, ces révélations de Mark Rossini ne permettent pas de clarifier l’ensemble des zones d’ombres autour du 11-Septembre. Néanmoins, elles ont le mérite de nous fournir une explication plausible du soutien documenté du royaume saoudien en faveur d’au moins deux pirates de l’air impliqués dans ces attentats. En effet, bien que l’hypothèse d’une planification saoudienne du 11-Septembre soit séduisante, elle nous semble improbable au vu de l’importance de la protection américaine en faveur de Riyad depuis la signature du pacte de Quincy, le 14 février 1945. Néanmoins, dans un souci d’approfondir notre compréhension de ces attentats, nous publierons de nouvelles enquêtes sur ces événements, qui ont plongé l’humanité dans un regrettable état de guerre perpétuelle

 

Maxime Chaix 

 

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