Une possible ingérence israélienne pour aider Trump à gagner en 2016 (médias étrangers)

Shares

 

Datant de février dernier, un rapport du FBI met en garde les autorités américaines sur d’hypothétiques ingérences russes dans l’élection présidentielle de 2020. Si de tels risques ne peuvent être exclus, il est frappant de constater l’obsession de Washington vis-à-vis des interférences de Moscou, qu’elles soient réelles ou fantasmées. Or, comme l’ont indiqué plusieurs médias israéliens, des documents déclassifiés du FBI contiennent des indices d’une opération d’influence du cabinet Netanyahou pour aider Trump à gagner les élections de 2016. Ces éléments indiquent même une collusion entre son équipe de campagne et de « hauts responsables israéliens ». Étonnamment, cette information n’a pas été reprise dans les médias français. Décryptage d’une potentielle affaire d’État. 

 

L’oubli constant des ingérences de la CIA aux États-Unis et à travers le monde

 

Avant chaque élection clé en Occident, le spectre d’une ingérence russe est mis en avant. Se succèdent alors dans les médias une cohorte d’observateurs décrivant Poutine comme le cerveau d’une stratégie savamment orchestrée, qui viserait à remplacer nos vertueux dirigeants progressistes par de dangereux autocrates populistes. Permettant d’attribuer à Moscou la responsabilité des résultats électoraux qui déplaisent à nos « élites éclairées », pour citer Richard Ferrand, ce genre de théories du complot leur permet surtout d’échapper à toute auto-critique. En effet, à bien y réfléchir, la destruction du niveau de vie des classes moyennes et populaires en Occident n’est pas la faute de Poutine, mais de nos prétendues « élites éclairées » qui favorisent depuis quatre décennies la globalisation financière et les ravages qu’elle provoque (désindustrialisation, chômage de masse, inégalités de revenus, etc.). 

 

En ce qui concerne les États-Unis, cette phobie des manigances russes est d’autant plus ironique que, depuis sa création en 1947, la CIA n’a jamais cessé de s’ingérer dans un grand nombre de processus électoraux et politiques à travers le monde. Durant la guerre froide, l’Agence « s’est [en effet] engagée dans 64 tentatives clandestines de changement de régime (…) Les cibles étaient “des adversaires et des alliés, puissants ou faibles, démocratiques ou autoritaires”. » D’ailleurs, la lecture du livre L’ami américain d’Éric Branca, qui traite notamment des manoeuvres de déstabilisation de la France gaullienne par Washington, est particulièrement instructive. Plus récemment, Wikileaks révéla que la CIA avait placé sur écoute les principaux candidats à l’élection présidentielle française de 2012. Or, si ces interceptions répondaient à des objectifs de prospective, sachant qu’une réélection de Sarkozy n’était pas certaine, il est clair qu’elles auraient pu servir d’autres desseins.  

 

Il est d’autant plus ironique que les médias s’alarment des ingérences russes lorsque l’on connaît l’hostilité notoire de la CIA envers Donald Trump. Comme l’a récemment souligné Glenn Greenwald, « dans les semaines précédant les élections de 2016, les anciens dirigeants les plus puissants de la Central Intelligence Agency ont fait tout leur possible pour faire élire Hillary Clinton et vaincre Donald Trump. (…) En parallèle, la communauté du Renseignement sous James Clapper et [le directeur de la CIA] John Brennan a fourni des éléments au Département de la Justice d’Obama et aux médias américains pour suggérer un complot Trump/Russie, et alimenter ce qui est devenu l’enquête Russiagate. » Or, comme nous l’avons récemment expliqué dans nos colonnes, cette affaire s’écroule depuis un an, ce qui profitera indéniablement à Donald Trump. En effet, ce dernier se présente depuis longtemps comme la victime d’une cabale de l’« État profond », et l’absence de fondements sérieux pour l’accuser d’une quelconque collusion avec la Russie tend à lui donner raison – au grand dam de ses détracteurs. 

 

Précisant que l’hostilité de la CIA envers l’actuel locataire de la Maison-Blanche ne s’est pas limitée à la période électorale de 2016, Glenn Greenwald rappelle que le « Russiagate, qui a perturbé les trois premières années de la présidence Trump, a en outre permis à la CIA de se faire passer pour une institution noble et admirable, tout en faisant oublier son histoire [hautement] controversée. Le narratif dominant au sein du camp progressiste a soutenu que les publicités russes sur Facebook, leurs bots sur Twitter, et le piratage et la publication de courriels compromettants du Comité National Démocrate constituaient une attaque hors du commun et sans précédent – une sorte de crime du siècle. D’ailleurs, Hillary Clinton et d’autres Démocrates de premier plan l’ont comparé au 11-Septembre et à Pearl Harbor. »

 

Hélas pour eux, comme l’a précisé Aaron Maté il y a un an, « le rapport du procureur spécial Robert Mueller est sans équivoque : il rejette radicalement la théorie conspirationniste assimilant M. Donald Trump à une marionnette de la Russie. Aucune preuve n’existe d’une collusion entre Moscou et le camp républicain en vue de pirater les courriels de l’équipe de campagne de Mme Hillary Clinton en 2016. Rien ne vient corroborer les accusations de liens entre divers conseillers de M. Trump et des personnalités, russes ou non, présentées comme des relais du Kremlin. » En revanche, nous savons depuis peu qu’il existe de forts soupçons de collusion entre l’équipe de campagne de Trump et le cabinet Netanyahou, selon le Times Of Israel.

 

Ingérences israéliennes dans les présidentielles américaines de 2016 : vers un Netanyahougate ? 

 

Le 30 avril dernier, en se basant sur un document déclassifié du FBI, le site du Times Of Israel observa que « Roger Stone, [un] proche de longue date [de] Donald Trump, (…) a été en contact avec un ou plusieurs Israéliens influents lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. L’un de ces Israéliens a notamment prévenu Stone que Trump “allait perdre sauf si nous intervenons”, et a promis qu’Israël avait des “infos clés”. L’échange entre Stone et ce contact basé à Jérusalem apparaît dans des documents du FBI rendus publics mardi. Ces documents – des déclarations sous serment du FBI effectuées pour permettre l’obtention de mandats d’arrêt dans l’enquête criminelle sur Stone – ont été publiés après une procédure judiciaire lancée par l’agence Associated Press et d’autres organes de presse. »

 

Dans cet article, il est précisé que le document du FBI en question est caviardé. Néanmoins, nos confrères du Times Of Israel ont identifié plusieurs indices permettant de conclure que le haut responsable israélien en question agissait pour le compte du cabinet Nethanyahou. En effet, ils soulignent dans leur article que ce « document du FBI, qui est largement censuré, comprend une référence explicite à Israël et une autre à Jérusalem, en plus d’une série de références à des responsables gouvernementaux : un “ministre”, un “ministre du cabinet”, un “ministre sans portefeuille au sein du cabinet qui s’occupe des questions concernant la défense et les affaires étrangères”, au “PM”, et au “Premier ministre”. Dans toutes ces références, les noms et les pays des ministres et [de leur chef] ont été censurés », comme on peut le constater dans la capture d’écran ci-dessous : 

 

 

Or, nos confrères du Times Of Israel ont pertinemment remarqué que « Benjamin Netanyahou était le Premier Ministre d’Israël en 2016, et le gouvernement israélien incluait un ministre sans portefeuille, Tzachi Hanegbi, nommé en mai. Il avait pour responsabilité des questions liées à la défense et aux affaires étrangères. Une référence à un Premier Ministre anonyme dans le document apparaît ainsi : “Le ou autour du 28 juin 2016, [NOM CENSURÉ] a envoyé un message à STONE, “DE RETOUR À [WASHINGTON] DC APRÈS DES CONSULTATIONS URGENTES AVEC LE PM À ROME. DOIS VOUS RENCONTRER MER[CREDI] SOIR AVEC [DONALD J.] TRUMP À NYC”. Netanyahou avait effectué une visite d’État en Italie fin juin 2016. » En clair, cette enquête du Times Of Israel offre de précieux indices pour identifier une potentielle collusion entre l’équipe de campagne de Trump et le cabinet Nethanyahou. Néanmoins, la déclassification de ce document du FBI pose encore de nombreuses questions, notamment sur l’éventuel rôle de Julian Assange dans cette opération.

 

L’homme de confiance de Trump, ses liens avec Wikileaks et une mystérieuse « surprise d’octobre »

 

Dans cette affaire, où l’implication du gouvernement Netanyahou ne semble faire aucun doute à l’aune de l’enquête du Times Of Israel, plusieurs références à une éventuelle « surprise d’octobre » peuvent être constatées, comme l’indique la capture d’écran ci-dessous :

 

 

Dans le système politique américain, une « surprise d’octobre » est un événement d’actualité qui peut être soit délibérément créé ou programmé, soit survenir spontanément pour influencer le résultat d’une élection, en particulier celui de la présidence des États-Unis. La référence au mois d’octobre est due au fait que la date des élections nationales – ainsi que de nombreuses élections nationales et locales –, est au début du mois de novembre. Par conséquent, les événements qui ont lieu en octobre ont un plus grand potentiel pour influencer les décisions des électeurs. Jusqu’à présent, les rédacteurs du Wikipedia anglo-saxon ont recensé 11 « surprises d’octobre » depuis 1972.

 

Or, il s’avère que la série de fuites des courriels du Comité National Démocrate a été lancée par Wikileaks le 7 octobre 2016. Ainsi, nos confrères du Times Of Israel estiment que les mentions d’une « surprise d’octobre » par l’interlocuteur israélien de Roger Stone pourraient désigner cette fuite de courriels compromettants. D’après eux, « le document [du FBI] fait de nombreuses références à une “surprise d’octobre” – apparemment la publication de documents par Julian Assange de Wikileaks afin de nuire à la campagne présidentielle d’Hillary Clinton et sauver celle de Trump. » Si cette hypothèse est avérée, Benjamin Netanyahou et les autres membres de son cabinet pourraient être impliqués dans un véritable scandale d’État, qui discréditerait les analyses du Renseignement américain désignant Moscou comme étant à l’origine de cette divulgation de courriels par Wikileaks. Évidemment, nous reviendrons sur cette affaire dès que nous aurons plus d’éléments, sachant que seuls deux médias francophones l’ont évoquée jusqu’à présent : RT France et Times Of Israel. Manifestement, les ingérences dans les élections américaines n’intéressent les journalistes français que lorsqu’elles permettent d’incriminer Trump, la Russie ou la Chine. Il en résulte une désinformation permanente qui est indigne de nos démocraties, sachant que nos médias grand public s’érigent en pourfendeurs des « infox » et du complotisme. 

 

Maxime Chaix 

 

Shares

Laisser un commentaire

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.