Les plans secrets de la Turquie pour envahir la Grèce et l’Arménie

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À Deep-News.media, nous nous sommes fixés comme mission d’analyser des informations géopolitiques peu ou pas relayées par nos confrères francophones, mais d’une importance capitale. Parmi elles, la fuite accidentelle d’un plan secret de la Turquie visant à envahir la Grèce et l’Arménie n’a pas été reprise dans les pays francophones. Alors que le pouvoir turc est de plus en plus agressif dans l’Est méditerranéen, et que la France considère cet interventionnisme comme une menace majeure, il est d’intérêt public de relayer et d’analyser cette information. Décryptage.

 

Entre l’opération turque contre les Kurdes lancée l’automne dernier dans le Nord de la Syrie, l’implication décisive des forces d’Ankara en Libye, ainsi que les activités agressives de la Marine turque en Méditerranée, le torchon brûle entre la France et la Turquie. Souvenons-nous d’ailleurs qu’Emmanuel Macron avait déclaré que l’OTAN était en état de « mort cérébrale », et que le gouvernement Erdogan travaillait « parfois avec des intermédiaires de Daech ». En clair, ces déclarations sans ambages illustrent un agacement croissant de Paris vis-à-vis de notre « allié » de l’OTAN. 

 

Comme l’ont rapporté nos confrères d’Opex360.com, « le 17 juin, Paris a accusé l’un des trois navires turcs escortant un cargo soupçonné de violer l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies à la Libye d’avoir “illuminé” à trois reprises, avec son radar de conduite de tir, la frégate légère furtive Courbet qui, à la demande du commandement maritime allié de l’OTAN [MARCOM], s’apprêtait à mener une opération de contrôle. Et donc de dénoncer un acte “extrêmement agressif” qui ne pouvait pas rester sans réponse. » Initialement, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg avait timidement répondu à ces accusations, d’ailleurs niées par une source anonyme turque. Face à la pression de Paris, il a néanmoins dû annoncer une enquête, sachant que – contrairement aux navires turcs –, la frégate Courbet opérait dans le cadre d’une mission de l’OTAN.

 

Cet épisode soulève un paradoxe. En clair, l’interventionnisme turc en Libye comme dans le Nord-Ouest de la Syrie est soutenu par les États-Unis et l’OTAN, en ce qu’il vise à combattre l’influence de la Russie via la lutte armée contre ses alliés – soit le maréchal Haftar sur le territoire libyen et Bachar el-Assad dans la province d’Idleb. Lors de l’offensive russo-syrienne de l’hiver dernier pour combattre les djihadistes pro-turcs, l’envoyé spécial des États-Unis pour la Syrie James Jeffrey n’avait pas fait mystère de son soutien total pour l’incursion turque dans ce pays – comme nous l’avions souligné dans nos colonnes. Concernant la guerre libyenne, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg affiche ouvertement son soutien au gouvernement pro-turc de Sarraj. Ayant affirmé il y a un mois qu’il fallait renforcer l’embargo sur les armes vers la Libye, il a semblé réticent à reconnaître l’agressivité de la marine turque à l’égard d’une frégate Courbet qui est pourtant chargée d’imposer ledit embargo. En clair, l’OTAN n’est pas en état de « mort cérébrale », en ce qu’elle soutient explicitement la Turquie dans ses offensives libyenne et syrienne – et ce pour y refouler l’influence russe.

 

Dans ce contexte, une information non démentie par les autorités turques n’a étrangement pas été relayée par les médias francophones, à l’exception des sites I24News.tv et Armenews.com. Il s’agit de la révélation, par le site NordicMonitor.com, de plans d’urgence de l’état-major turc pour envahir l’Arménie et la Grèce. Le site du Jerusalem Post nous résume la situation : « La Turquie a élaboré un plan pour une éventuelle invasion de la Grèce du nom d’un commandant militaire turc du XIème siècle, a rapporté NordicMonitor.com en citant des documents secrets. Ils sont issus d’une présentation PowerPoint, qui aurait été rédigée par l’état-major turc pour une révision interne de leurs planifications. Intitulée “TSK Çakabey Harekât Planlama Direktifi” (“Directive de planification des opérations des forces armées turques de Çakabey”), cette présentation est datée du 13 juin 2014. Selon l’article de NordicMonitor.com, cela suggère que ce plan a probablement été mis à jour et finalisé après un examen d’une ébauche antérieure, et qu’il pourrait encore être actif. Le même document contenait également des plans d’invasion de l’Arménie datés du 15 août 2000, cette opération étant intitulée “TSK Altay Harekât Planlama Direktifi”. »

 

Toujours selon le Jerusalem Post, « ces documents ont été échangés par les principaux commandants de l’état-major via un système de messagerie électronique sécurisé. (…) Ils semblent avoir été accidentellement divulgués dans un dossier judiciaire à Ankara soumis au tribunal par le procureur Serdar Coşkun dans le cadre d’une enquête sur le coup d’État manqué contre le Président turc Recep Tayyip Erdogan, en juillet 2016. » Selon le NordicMonitor.com, il s’agirait de plans d’urgence liés aux développements du conflit syrien, qui viseraient à maintenir des capacités offensives et dissuasives sur le front occidental tout en déplaçant des troupes. Or, ces révélations émergent dans un contexte de montée des tensions persistantes entre la Turquie et la Grèce, ce pays s’est récemment ligué avec la France, les Émirats Arabes Unis, Chypre et l’Égypte pour contrer l’expansionnisme turc en Méditerranée.

 

Comme l’a observé le Jerusalem Post, « ces informations sortent dans le contexte d’une escalade rhétorique anti-grecque de la part du régime Erdogan qui, selon [NordicMonitor.com], s’intensifie depuis 2013, citant l’exemple d’une annonce de mars 2019 soutenant publiquement les appels à la conversion de Sainte Sophie d’un musée en une mosquée. Ce projet fut annoncé en réponse à la reconnaissance, par Donald Trump, de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan et à Jérusalem-Est. (…) Le ministre grec des Affaires étrangères, George Katrougalos, a répondu en critiquant les propos d’Erdogan : “Toute remise en cause du statut [de Sainte Sophie] n’est pas seulement une insulte aux chrétiens, mais à la communauté internationale et au Droit international” ».

 

Se pose donc une question urgente : alors que la Turquie s’affirme de plus en plus agressivement en Méditerranée et au-delà, envisage-t-elle de conquérir la Grèce, ou s’agit-il de simples plans d’urgence ? Dans tous les cas, vu le contexte actuel, nul doute que cette information aurait dû être massivement reprise par les médias francophones. Espérons donc que cet article aura contribué à faire connaître ces révélations au plus grand nombre, car nous n’en sommes hélas qu’aux prémisses d’une longue période de conflictualité avec notre « allié » turc.

 

Maxime Chaix

  

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