« Syrie : l’une des plus vastes guerres secrètes de la CIA » (extrait exclusif du magazine RAIDS)

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Sachant que notre fondateur Maxime Chaix a signé un article dans le dernier hors-série du magazine RAIDS, nous vous en proposons un extrait avec les dizaines de sources qui appuient ses arguments et qui, faute de place, n’ont pu être citées dans cette revue. Nous tenons à remercier le CF2R, qui a supervisé la rédaction de ce hors-série, et nous vous conseillons vivement ce passionnant numéro, titré La guerre du renseignement.  

 

Dans le bilan présidentiel de Barack Obama, la guerre en Syrie est habituellement considérée comme son principal échec sur la scène internationale. En effet, ses détracteurs comme ses partisans lui reprochent son « inaction » et sa « passivité » contre Bachar el-Assad et ses alliés. Cette fausse perception est renforcée par deux ruptures stratégiques : sa volte-face d’août 2013, lorsqu’il refusa de bombarder la Syrie, et la reprise d’Alep-Est par les forces loyalistes et leurs soutiens étrangers en décembre 2016. L’indignation médiatique qui accompagna ces deux événements renforça l’impression que le Président des États-Unis et ses alliés occidentaux n’avaient « rien fait » dans ce conflit. En février 2013, Hillary Clinton affirma même qu’Obama avait rejeté, durant l’été 2012, son projet de renverser Assad, un plan élaboré avec un directeur de la CIA pourtant déjà impliqué dans la militarisation de l’opposition. À l’époque, d’autres dirigeants américains confirmèrent ce refus présidentiel. Depuis, aucune de ces sources bien informées ne s’épancha sur l’appui direct de la CIA en faveur d’au moins 45 000 rebelles anti-Assad, une campagne prétendument initiée en juin 2013.

 

En réalité, un Barack Obama réticent autorisa le directeur de la CIA David Petraeus à lancer une guerre secrète de plus en plus vaste en Syrie, et ce dès octobre 2011. Baptisée Timber Sycamore, et impliquant au final une quinzaine d’autres services spéciaux, cette opération commença à prendre de l’ampleur au printemps 2012, une escalade autorisée par un décret confidentiel d’Obama. Il l’amendera un an plus tard pour y officialiser la formation des rebelles, et pour amplifier l’aide létale que leur fournissaient déjà les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et leurs alliés turcs et moyen-orientaux. Au fil des ans, cette campagne devint gigantesque au point que le Washington Post la décrivit en juin 2015 comme « l’une des plus vastes opérations clandestines » de l’histoire de la CIA, dont le financement avoisinait alors le milliard de dollars annuels. Toujours selon le Post, cette guerre de l’ombre coordonnée par l’Agence s’inscrivait dans un « plus vaste effort de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie » – trois États pourtant accusés par des hauts responsables américains d’avoir soutenu la nébuleuse jihadiste au Moyen-Orient, dont l’« État Islamique » (Daech).

 

Principalement financée par la royauté saoudienne, et progressivement stoppée à partir de juin 2017, cette opération eut un impact majeur sur le terrain, laissant même augurer la chute d’Assad pendant l’été 2015. Or, elle fut durablement occultée du débat public par le gouvernement des États-Unis et ses alliés – dont la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et Israël. En effet, leur communication trompeuse engendra une confusion générale sur le degré et la nature de l’implication de la CIA et de ses partenaires dans ce conflit. Par conséquent, une majorité de journalistes et de spécialistes ignorèrent ou minimisèrent l’ampleur de Timber Sycamore, ce nom de code n’étant d’ailleurs révélé qu’en janvier 2016. Pour l’opinion occidentale, cette campagne fut donc une guerre invisible.

 

En effet, les exactions commises par l’Armée Arabe Syrienne et ses soutiens ont été surmédiatisées, contrairement aux activités clandestines de la CIA et de ses alliés européens, turcs, israéliens et pétromonarchiques. Pourtant, les commanditaires de Timber Sycamore partagent une lourde responsabilité dans ce terrible conflit. En effet, ils ont dramatiquement aggravé la guerre en Syrie, en armant, formant et finançant des dizaines de milliers de mercenaires, une ingérence illégale au regard du Droit international. Par ailleurs, ils ont involontairement suscité l’intervention militaire de la Russie en septembre 2015, une opération qui sauva le gouvernement Assad, et qui n’avait pas été anticipée par les stratèges américains et leurs alliés. Enfin, ils ont décisivement favorisé la montée en puissance de la nébuleuse djihadiste au Moyen-Orient – incluant alQaïda et le malnommé « État Islamique –, ce qui tend à expliquer la grande discrétion des chancelleries occidentales sur cette question. en appuyant dès l’automne 2011 l’effort de guerre des pétromonarchies du Golfe qui soutenaient ces groupes extrémistes.

 

NDLR : Pour lire la suite de cet article, nous vous encourageons à commander ce hors-série passionnant, dont voici le sommaire :

 

Eric Denécé, « L’évolution permanente du renseignement français »
Nathalie Cettina, « La place centrale du renseignement dans la lutte antiterroriste »
Maxime Chaix, « Syrie : l’une des plus vastes guerres secrètes de la CIA »
Alain Rodier, « Le renseignement russe en Syrie »
Jamil Abou Assi, « La face cachée du renseignement qatari »
Général Alain Lamballe, « Guerre secrète en Asie du Sud : les services de renseignement indiens et pakistanais »
François-Yves Damon, « Un village d’espions indiens ou 007 de misère »
Olivier Dujardin, « Renseignement et guerre électronique »
Jean-François Loewenthal, « Les défis de l’innovation en matière de traitement du renseignement »
Thierry Berthier & Nicolas Mazucchi, « Intelligence artificielle et renseignement »
Yannick Bressan, « Renseignement et guerre psychique pendant la Guerre froide »
Tigrane Yegavian, « Un exemple de coopérationen matière de renseignement : le SDECE et la PIDE »
Laurent Moënard « Charles-Joseph Bonaparte : le petit-neveu de Napoléon qui créa le FBI »

 

Maxime Chaix

 

 

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