Récemment, un grand quotidien américain a fait d’importantes révélations sur le juteux business de l’« antiterrorisme » lancé par les États-Unis et l’Arabie saoudite à partir du 11-Septembre. N’ayant pas été repris par la presse francophone, nous avons pris l’initiative de traduire intégralement cet article pour nos abonnés. Par la suite, nous le commenterons tant il est riche d’enseignements sur la schizophrénie américano-saoudienne. En effet, depuis la fin des années 1970, Washington et Riyad ont insidieusement soutenu le fléau djihadiste, ce qui a fini par générer un véritable eldorado pour les firmes censées contrer ce phénomène – du moins lorsqu’il menace les pays occidentaux et leurs alliés arabes. Mais avant de poursuivre cette réflexion, voici l’intégralité de cette enquête, dont nous nous étonnons qu’elle n’ait pas été citée dans les médias francophones. Une lecture impérative.
« L’Arabie saoudite veut que son maître espion fugitif revienne au pays »
Texte original par Bradley Hope, Justin Scheck et Warren P. Strobel (Wall Street Journal, 17 juillet 2020)
Traduction exclusive par Maxime Chaix
À partir des attentats du 11-Septembre, Saad al-Jabri a été le contact antiterroriste le plus proche des États-Unis dans le monde arabe pendant plus de 15 ans. Le maître espion saoudien avait des informateurs, un accès à des milliards de dollars de son gouvernement, des relations étroites avec des membres clés de la famille royale et une capacité à faire avancer les choses que les Américains trouvaient rares parmi leurs relations au Moyen-Orient.
Désormais, M. al-Jabri est un fugitif international. Il a fui l’Arabie saoudite, où des responsables affirment qu’un groupe d’individus qu’il dirigeait alors qu’il travaillait pour le Ministère de l’Intérieur aurait gaspillé 11 milliards de dollars d’argent public, tout en engrangeant au moins 1 milliard de dollars.
La royauté saoudienne a émis des demandes d’extradition et des notices Interpol. M. al-Jabri pense d’ailleurs que les autorités lui ont envoyé un vieil ami pour le convaincre de revenir au pays. En mars dernier, Riyad a emprisonné deux de ses enfants, qui sont des jeunes adultes.
La lutte acharnée entre le gouvernement saoudien et M. al-Jabri met en lumière le système de favoritisme de ce pays, ses accords commerciaux et l’auto-enrichissement présumé de cet homme et de son clan, le tout au nom de la lutte contre le terrorisme.
Des responsables du Renseignement américain et européen en activité ou à la retraite ont déclaré que l’actuelle enquête de Riyad risquait de révéler des secrets sensibles des opérations américano-saoudiennes contre les extrémistes islamiques. Ils ont affirmé que l’une ou l’autre des parties en conflit pourraient divulguer d’importants secrets pour renforcer leurs positions.
« Nous ne souhaitons pas nécessairement que nos opérations de contre-terrorisme soient révélées », selon un haut responsable américain.
En vérifiant les détails de l’enquête saoudienne, et en développant ses conclusions par le biais de responsables du Renseignement américain et européen, le Wall Street Journal a mis au jour un réseau impliquant plusieurs milliards de dollars, qui a enrichi de hauts responsables du gouvernement saoudien tout en exerçant l’influence du royaume à l’étranger.
Cet argent a été utilisé à des fins diverses, notamment pour acheter du matériel de police et des téléphones sécurisés, ou payer des informateurs et des dirigeants étrangers, dont l’ancien dictateur soudanais Omar el-Béchir.
Les enquêteurs saoudiens accusent ce réseau d’avoir surfacturé au gouvernement des contrats avec de grandes entreprises occidentales, telles qu’International Business Machines Corp et Oracle Corp. Il aurait utilisé des comptes offshore liés à de grandes banques occidentales pour transférer de l’argent, selon des personnes familières avec cette investigation.
Les partisans de M. al-Jabri ne nient pas les mouvements de fonds, mais ont déclaré que ce système était habituel en Arabie saoudite, et qu’il était autorisé par son patron – celui qui était alors le prince héritier Mohammed ben Nayef. En 2017, ce dernier fut contraint de renoncer à ses fonctions par son cousin, Mohammed ben Salmane, qui prit ensuite la relève en tant que prince héritier. Ben Nayef fut également expulsé du ministère de l’Intérieur et, en mars dernier, il fut arrêté et accusé de trahison.
M. al-Jabri a quitté l’Arabie saoudite en 2017 et vit à Toronto. Le Canada a refusé de l’extrader.
Sa famille fait valoir que le gouvernement saoudien souhaite qu’il revienne parce qu’il connaît les secrets de la famille royale, et que le prince héritier Mohammed ben Salmane a une vendetta personnelle contre lui en raison d’un désaccord sur la politique du pays au Yémen et d’autres différends. Ils nous ont signalé qu’une fille et un fils de M. al-Jabri, respectivement âgés de 20 et de 21 ans, sont retenus en otage pour faire revenir leur père.
M. al-Jabri a refusé tout commentaire. L’un autre de ses fils, Khalid Aljabri, est médecin à Boston. Il nous a déclaré par texto : « Nous sommes favorables à toute procédure impartiale qui n’inclut pas les tentatives d’induire tout préjudice ou d’exercer du chantage en prenant des enfants en otage. »
Un porte-parole du gouvernement saoudien a déclaré qu’il ne commentait pas les enquêtes en cours. Les responsables saoudiens impliqués dans cette affaire ont fait savoir qu’ils tentaient de traduire M. al-Jabri en justice dans le cadre de la campagne anticorruption du prince Mohammed ben Salmane.
(Schéma original par le Wall Street Journal, traduit par Deep-News.media)
Le Président Trump a soutenu Ben Salmane. Le Congrès s’est montré plus critique, adoptant une résolution visant à tenir le prince responsable du meurtre, en octobre 2018, du journaliste Jamal Khashoggi par des hommes au service du prince. Le Congrès a également voté pour bloquer les ventes d’armes américaines à l’Arabie saoudite. D’autres mesures de Riyad contre M. al-Jabri et ses partisans pourraient attiser le sentiment anti-saoudien. Rival de M. Trump, l’ancien Vice-président Joe Biden a ouvertement critiqué le prince Mohammed ben Salmane.
M. al-Jabri, 61 ans et titulaire d’un doctorat en informatique, était le numéro 2 du Ministère de l’Intérieur saoudien, dirigé pendant des années par Mohammed ben Nayef. Selon des documents examinés par le Wall Street Journal, et des entretiens avec des responsables saoudiens et des confidents de M. al-Jabri, ce dernier dirigeait un fonds spécial ministériel qui combinait les dépenses publiques consacrées aux efforts antiterroristes hautement prioritaires et les primes pour M. al-Jabri et ses hommes.
Au cours des 17 années où il a supervisé le fonds, 19,7 milliards de dollars y ont transité. Le gouvernement saoudien affirme que 11 milliards de dollars auraient été gaspillés par le biais de surfacturations sur des contrats, ou auraient été détournés vers différentes destinations, dont des comptes bancaires à l’étranger contrôlés par M. al-Jabri, sa famille et ses associés. Parmi eux, l’on peut citer Mohammed ben Nayef.
Les partisans de M. al-Jabri soutiennent que, l’Arabie saoudite étant une monarchie absolue, l’imprimatur du prince Ben Nayef signifiait que les paiements étaient légaux. Ils ajoutent que certaines de ces sommes étaient des récompenses lorsque le travail était bien fait. Des responsables américains affirment que Mohammed ben Salmane, qui dirige de facto le royaume, utilise parfois les accusations de corruption comme prétexte pour s’attaquer à des opposants politiques ou à d’éventuels rivaux, y compris les fils et les fidèles de l’ancien roi d’Arabie saoudite. Le père du prince Mohammed, le roi Salmane, a accédé au trône en janvier 2015. Ils évoquent la détention, en novembre 2017, de certaines des personnalités les plus riches d’Arabie saoudite dans un hôtel chic de Riyad. Ces dernières furent contraintes de céder leurs biens en échange de leur liberté.
Le système de M. al-Jabri a prospéré pendant des années avec l’approbation tacite des services secrets des États-Unis. Ces derniers estimaient que, tant que cet argent ne finançait pas le terrorisme, il appartenait aux Saoudiens de décider si ce système était acceptable, selon d’anciens responsables du Renseignement à Washington.
Les agences de renseignement américaines étaient au courant des flux d’argent du fonds de M. al-Jabri vers des pays tels que le Soudan et l’Indonésie, des chefs de tribus dans l’Ouest de l’Irak, des entreprises aux États-Unis et en Europe, et des comptes étrangers contrôlés par M. al-Jabri et ses alliés. Les entreprises liées à la famille al-Jabri se sont associées à des fournisseurs militaires américains, réalisant des bénéfices sur les achats du gouvernement saoudien auprès de ces entreprises. L’argent a transité par des banques internationales telles que HSBC, selon des responsables américains et saoudiens en activité ou à la retraite, et des documents bancaires examinés par le Wall Street Journal. Une porte-parole de HSBC a refusé de commenter.
Il n’est pas rare que des personnes puissantes gagnent de l’argent grâce aux affaires de l’État saoudien. Un ancien responsable américain a déclaré que la structure du fonds était conforme aux attentes vis-à-vis du fonctionnement habituel du royaume et d’autres pays de la région. Mais un officiel saoudien a déclaré que de telles transactions étaient illégales, et qu’elles constituaient un détournement des ressources du Trésor public. Il a déclaré que ces flux d’argent étaient différents des cadeaux aux bureaucrates provenant de la richesse personnelle des membres de la famille royale, ce qui est considéré comme normal et qui se poursuit aujourd’hui.
Le fonds de M. al-Jabri a été créé par feu le roi Abdallah pour sévir contre le terrorisme local après les attentats du 11-Septembre. La stratégie consistait à accroître le pouvoir d’achat du Ministère de l’Intérieur en lui permettant de conserver 30% des revenus provenant du renouvellement des passeports, des frais de visa, des contraventions pour excès de vitesse ou d’autres recettes de l’État. Quelques années plus tard, ce montant a été porté à 45%. Les fonds antiterroristes ont été déployés principalement dans le cadre de partenariats avec des entreprises du secteur privé pour agir rapidement, éviter la bureaucratie et opérer en secret. L’une de ces firmes était une société de jets privés, qui permettait aux agents saoudiens de se déplacer facilement à travers le monde.
M. al-Jabri a utilisé cet argent pour des partenariats noués avec des entreprises privées dans les domaines sécuritaires. Mais il a aussi créé un système dont ses associés et lui-même pouvaient bénéficier, selon des documents gouvernementaux et des personnes familières avec l’enquête.
Le réseau Ben Nayef/al-Jabri
Un fonds saoudien de lutte contre le terrorisme a reçu environ 19,7 milliards de dollars de la part du Ministère de l’Intérieur, mais les enquêteurs saoudiens affirment que Saad al-Jabri et ses hommes auraient gaspillé 11 milliards de dollars de ce montant, se payant au moins 1 milliard de dollars. Voici comment fonctionnait ce fonds, d’après les enquêteurs et les documents bancaires examinés par le Wall Street Journal :
(Schéma original par le Wall Street Journal, traduit par Deep-News.media)
Les bénéfices provenaient de sociétés telles que Technology Control Co., qui fut enregistrée en 2008. Le Ministère de l’Intérieur a financé cette firme, mais elle appartenait parfois au frère de M. al-Jabri, à l’un de ses neveux et à deux proches associés, selon les documents des entreprises saoudiennes que nous avons pu consulter.
Technology Control a acheté des logiciels et du matériel à des entreprises américaines telles qu’IBM, Oracle, Cisco Systems Inc. et VMware Inc., et les a revendues au gouvernement – souvent avec un important bénéfice. Leurs technologies ont été utilisées afin de créer des bases de données pour l’identification des empreintes digitales et pour surveiller Twitter face aux potentielles menaces sécuritaires, entre autres.
SAS Institute, un fabricant de logiciels d’analyse basé en Caroline du Nord, annonça en 2012 un partenariat stratégique avec Technology Control afin de fournir des services au Ministère de l’Intérieur, y compris certaines tâches au sein de l’institut de formation des services de renseignement d’Arabie saoudite.
Ces entreprises américaines ne sont pas inculpées pour des actes répréhensibles. Les porte-parole d’IBM et d’Oracle ont refusé tout commentaire, et d’autres firmes n’ont pas répondu à nos demandes.
En 2013, Technology Control a investi 50 millions de dollars du gouvernement dans une société américaine appelée Digital Signal Corp., dont M. al-Jabri pensait qu’elle proposait une technologie prometteuse afin de trouver des terroristes dans les foules. L’ancien PDG de cette société David Guttadauro déclara que le gouvernement saoudien était devenu son plus gros client, et que Technology Control était son plus gros investisseur.
M. Guttadauro a déménagé à Riyad, rencontrant fréquemment M. al-Jabri. Il nous a expliqué que, pendant qu’il vivait en Arabie saoudite, al-Jabri tentait d’introduire cette technologie de pointe dans un Ministère de l’Intérieur englué dans la bureaucratie. L’une des raisons de la mise en place de firmes telles que Technology Control était qu’elles pouvaient évaluer et acheter de nouveaux produits sans passer par ce lent processus bureaucratique.
Technology Control avait des personnes proches de M. al-Jabri à des postes de direction, en partie car ils avaient une expérience militaire ou gouvernementale antérieure leur donnant de la crédibilité dans leurs relations avec les bureaucrates du Ministère – ce qui facilitait l’adoption de nouvelles technologies.
Dans les cas observés par M. Guttadauro, la société sollicitait plusieurs offres avant d’acquérir une technologie pour le gouvernement, et utilisait le processus d’appel d’offres pour faire baisser les prix.
Une grande partie des liquidités sortant du Ministère ont été transférées à une firme nommée SAKAB Saudi Holding Co., qui reçut plus de 6,9 milliards de dollars entre 2008 et 2014, selon les documents bancaires examinés par le Wall Street Journal. La SAKAB n’a pas répondu à nos demandes de commentaires.
Le ministère envoyait régulièrement des dizaines de millions de dollars du compte de la SAKAB vers la Saudi British Bank, une filiale de HSBC. La SAKAB transférait alors une grande part de ces liquidités vers son compte à la HSBC Private Bank à Genève, où une partie serait envoyée sur des comptes au nom des collaborateurs de M. al-Jabri.
Le transfert mensuel le plus important se faisait souvent vers une société enregistrée dans les Îles Vierges britanniques et appelée Dreams International Advisory Services Ltd. Selon des documents bancaires, cette firme appartient à 100% à M. al-Jabri. Par exemple, le 3 avril 2017, la SAKAB versa 28 289 316 de dollars à Dreams International, 14 955 983 de dollars à l’allié d’al-Jabri Alhamad Abdullah, et 2 716 026 de dollars à Majed al-Muzaini, le neveu d’al-Jabri.
Il n’a pas été possible de déterminer où ces fonds ont finalement abouti, ni comment ils ont été utilisés.
Mohammed ben Nayef a reçu des centaines de millions de dollars directement de la SAKAB. Or, dans certains cas, il les a versés à d’autres entreprises travaillant pour le Ministère de l’Intérieur, selon des relevés bancaires et des personnes proches de l’enquête saoudienne. Un dirigeant américain s’est rappelé s’être demandé pourquoi le paiement qu’il avait reçu pour un contrat avec le Ministère provenait directement du compte personnel du prince Ben Nayef.
M. al-Jabri a reçu environ 250 millions de dollars de la SAKAB et d’autres sociétés financées par le Ministère de l’Intérieur, selon des documents bancaires et des personnes proches de l’enquête en cours en Arabie saoudite.
Les enquêteurs saoudiens estiment que M. al-Jabri, son frère, deux de ses neveux et deux de ses associés ont reçu plus d’un milliard de dollars en paiements directs. Ils enquêtent également sur des milliards de dollars d’autres flux d’argent présumément détournés et de contrats potrentiellement surfacturés.
Les associés de M. al-Jabri sont détenus en Arabie saoudite et n’ont pas pu être joints pour commenter cette affaire.
L’accord a pris fin en 2017, lorsque Mohammed ben Nayef fut remplacé en tant que prince héritier, et que le prince Mohammed ben Salmane – le nouveau numéro 2 du royaume –, chercha à démanteler ce système de favoritisme et à neutraliser ses rivaux.
M. al-Jabri avait été licencié plusieurs mois auparavant, officiellement pour une réunion non autorisée avec John Brennan, qui était alors directeur de la CIA. Dans une interview, ce dernier qualifia cette raison de « prétexte pur et simple ». Il ajouta que le prince Ben Salmane avait poursuivi M. al-Jabri parce qu’« il pensait que Saad était quelqu’un qu’il ne pouvait pas contrôler ».
La direction de la firme Technology Control fut transférée au gouvernement. Les enquêteurs saoudiens découvrirent que le Ministère de l’Intérieur avait acheté à cette entreprise 2 000 téléphones fixes et mobiles sécurisés à 11 000 dollars pièce, alors que le coût de fabrication de chacun de ces appareils n’était que de 500 dollars. Ces équipements furent ensuite jetés car ils fonctionnaient mal, selon des sources proches de ces investigations. Les enquêteurs ont également découvert que les collaborateurs de M. al-Jabri avaient créé de faux documents indiquant que cette société leur devait 30 millions de dollars de prêts, d’après ces mêmes sources.
M. Guttadauro déclara que le gouvernement saoudien avait cessé de payer sa société, Digital Signal, et qu’il avait quitté le pays alors que les Saoudiens lui devaient encore des millions de dollars. Digital Signal fut ensuite rachetée pour une fraction de ce qu’elle valait lorsque l’Arabie saoudite en était un gros client. M. Guttadauro dirige désormais une ferme dans le New Hampshire.
Des responsables américains ont déclaré que M. al-Jabri s’était impliqué dans des opérations secrètes de contre-terrorisme d’une importance mondiale. Ces sources ont affirmé qu’en 2010, M. al-Jabri aurait empêché des attentats visant à faire exploser des avions de ligne avec des bombes cachées dans des cartouches d’imprimante. Il aurait également entraîné des informateurs ayant permis de déjouer des attaques terroristes contre des cibles occidentales. Par ailleurs, il aurait dirigé un programme expérimental de réhabilitation des extrémistes islamiques, et facilité le rapatriement de militants saoudiens présumés depuis la prison américaine de Guantanamo Bay.
L’un de ses fils, le Dr Aljabri, refusa de répondre à des questions précises sur les finances de sa famille. Il déclara que l’argent qui, selon le gouvernement saoudien, aurait été utilisé pour de la corruption finançait en fait la lutte clandestine contre le terrorisme au nom du gouvernement saoudien. D’anciens responsables du Renseignement américain ont déclaré qu’il était plausible qu’une partie de cet argent eût été utilisée de cette manière.
En désaccord avec ces explications, un responsable du gouvernement saoudien affirma qu’il n’était pas logique de payer pour des opérations clandestines au moyen de comptes détenus par M. al-Jabri, sa famille ou ses associés. En outre, une grande part du travail effectué par Technology Control n’était pas clandestine – certains de ses projets qui mobilisaient de la technologie occidentale ayant été annoncés par des communiqué de presse.
En 2013, des entreprises affiliées à M. al-Jabri et au Dr Aljabri ont acheté un appartement de grand standing à Boston pour 3,5 millions de dollars, et quatre autres unités dans le même immeuble, dont les prix varient entre 670 000 $ et un peu plus d’un million de dollars, selon des documents officiels. En 2017, une société fondée par M. al-Jabri et son fils, et contrôlée par ce dernier, a acheté un appartement de 4,3 millions de dollars à l’hôtel Mandarin Oriental de Boston, selon les registres de l’État. Cette année, l’entreprise a dépensé 13,75 millions de dollars en appartements dans le Boston Four Seasons.
Un conseiller de la famille d’al-Jabri a déclaré que ce dernier avait reçu des récompenses financières pour son service en faveur des « rois et princes héritiers successifs ».
Selon des proches, M. al-Jabri possède également des maisons en Turquie et à Toronto, où il réside actuellement.
Un ex-allié d’al-Jabri ayant siégé aux conseils d’administration d’entreprises liées au Ministère de l’Intérieur a rendu visite au Dr Aljabri à Boston, puis à M. al-Jabri à Toronto, afin de l’exhorter de se rendre en Turquie pour se rapprocher de sa famille. M. al-Jabri et son fils sont désormais convaincus que cet ex-allié faisait cette demande au nom du gouvernement saoudien, d’après l’un de leurs proches.
Nommés Omar et Sarah, les enfants de M. al-Jabri sont restés au pays lorsque leur père a quitté l’Arabie saoudite, sachant qu’ils attendaient des visas pour étudier aux États-Unis. Une fois qu’ils les ont obtenus, des agents de sécurité ont arrêté Sarah à l’aéroport, et Omar s’est vu par la suite vu interdit de quitter le royaume, selon les proches d’al-Jabri. La cour royale leur a versé une allocation mensuelle pour leurs frais de subsistance, sachant que les comptes de leur père ont été gelés en Arabie saoudite.
Selon un proche, M. al-Jabri a demandé au prince Ben Salmane de laisser partir ses enfants. Ce dernier aurait déclaré que le problème serait résolu s’il revenait, selon cette source.
M. al-Jabri est resté à Toronto et, en 2018, l’Arabie saoudite a émis une notice d’Interpol contre lui. Cette institution a ensuite retiré cette notice, acceptant l’argument de M. al-Jabri selon lequel il était un opposant politique au prince Ben Salmane.
En mars, Omar et Sarah ont été arrêtés quelques jours après qu’Omar ait rencontré un ancien responsable des renseignements occidentaux à Riyad. Les enquêteurs saoudiens affirmèrent qu’Omar aurait reconnu que cet ex-responsable l’avait informé d’un plan pour l’aider, lui et sa sœur, à fuir le pays. Une personne au fait de cette rencontre contesta ce récit, et déclara que l’ancien espion aurait rencontré Omar pour qu’il transmette un cadeau d’anniversaire à Sarah de la part de ses parents.
La sœur et le frère sont détenus ensemble dans une villa pour prisonniers VIP dans un complexe pénitentiaire à Riyad, selon un responsable saoudien. Un officiel américain a déclaré que Washington aurait abordé le cas de M. al-Jabri auprès du gouvernement saoudien à « des niveaux très élevés ».
Selon l’ancien directeur de la CIA John Brennan, si M. al-Jabri retournait en Arabie saoudite, « je suis sûr qu’il ne serait jamais autorisé à repartir. »
Texte original par Bradley Hope, Justin Scheck et Warren P. Strobel
Traduction exclusive par Maxime Chaix
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Et la seconde partie?
Maxime Chaix
La voici ! Bonne lecture : https://deep-news.media/2020/07/22/antiterrorisme-business-partie-2/