Aux États-Unis, le débat public sur la nocivité des guerres de changement de régime prend constamment de l’ampleur, comme en témoignent les positions de Tulsi Gabbard sur ce sujet, la création récente du Quincy Institute for Responsible Statecraft, ou cette tribune publiée dans la plus prestigieuse revue américaine de relations internationales, dont nous vous proposons une traduction exclusive. En effet, notre initiative découle d’un constat simple mais important : alors que le Président Macron avait fustigé les guerres de changement de régime l’année dernière, nous n’observons en France aucun débat public sérieux sur cette question pourtant essentielle, à l’aune du chaos que de telles opérations ont semé dans un nombre croissant de pays – en particulier depuis le 11-Septembre. Analysant de nombreux exemples, l’article que nous vous proposons montre en détail comment et pourquoi l’ensemble des guerres de changement de régime menées ou soutenues par les États-Unis au Moyen-Orient ont échoué, en espérant inciter nos confrères à s’intéresser davantage à cette question cruciale.
« Les fausses promesses des guerres de changement de régime »
Article original par Philip H. Gordon (Foreign Affairs, 7 octobre 2020)
Traduction exclusive par Maxime Chaix
Depuis les années 1950, les États-Unis ont tenté d’évincer les gouvernements du Moyen-Orient élargi une fois par décennie, en moyenne. Ils ont opéré dans cet objectif en Iran, en Afghanistan (à deux reprises), en Irak, en Égypte, en Libye et en Syrie. Précisons que cette liste ne comprend que les exemples où renverser les dirigeants locaux et transformer leur système politique étaient le but final de Washington, qui déployait alors des moyens important y parvenir. Les motifs de ces interventions ont nettement varié, tout comme les méthodes employées par les États-Unis dans ces campagnes : parrainer un coup d’État, ou envahir et occuper un pays, ou s’appuyer sur la diplomatie, la rhétorique et les sanctions.
Toutes ces tentatives ont cependant un point commun : elles ont échoué. Dans tous ces exemples, les décideurs américains ont surestimé les menaces auxquelles étaient confrontés les États-Unis, sous-estimé les défis posés par l’éviction de tel ou tel dirigeant, et pris pour argent comptant les garanties optimistes d’exilés ou d’acteurs locaux ayant peu d’influence sur le terrain. Dans tous les cas, sauf dans celui de la Syrie où le régime s’est maintenu au pouvoir, les États-Unis ont prématurément crié victoire, n’ont pas anticipé le chaos qui suivrait l’effondrement de l’État ciblé, et continueront d’en supporter des coûts humains et financiers colossaux pendant des décennies.
Pourquoi renverser des régimes au Moyen-Orient est-il si difficile ? Et pourquoi les experts et les dirigeants américains continuent-ils de penser qu’ils peuvent y parvenir en utilisant de bonnes méthodes ? Il n’existe pas de réponses faciles à ces questions, et il est important de reconnaître que, dans tous les cas de figure, les alternatives au changement de régime n’étaient pas vraiment attrayantes. Mais tandis que nos décideurs affrontent les défis posés par cette région turbulente, il faudrait enfin qu’ils perçoivent les dynamiques d’auto-aveuglement et de mauvaise appréciation qui ont à maintes reprises rendu les opérations de changement de régime si attrayantes et, en fin de compte, si désastreuses.
Retour de bâton
Début 2011, nos hauts responsables débattaient de l’opportunité de recourir à la force militaire contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. À l’époque, le secrétaire à la Défense Robert Gates, qui était le plus expérimenté dans l’équipe de sécurité nationale du Président Obama, rappela à ses collègues que « lorsque vous lancez une guerre, vous ne savez jamais comment elle se déroulera. » Cet avertissement était un euphémisme : dans chaque cas de figure, les opérations de changement de régime au Moyen-Orient ont eu des conséquences imprévues et indésirables, même lorsqu’elles avaient été soigneusement préparées. L’illustration la plus criante de ce phénomène fut probablement l’invasion américaine de l’Irak en 2003, lorsque Washington a mis fin au règne de Saddam Hussein. En effet, cette campagne a également renforcé l’influence iranienne en Irak, ce qui n’était pas l’effet recherché ; elle a aussi alimenté le djihadisme dans ce pays, démontré aux autres dictateurs la potentielle valeur dissuasive de la possession d’armes nucléaires, accru les doutes sur la bienveillance des États-Unis et de leur puissance dans le monde entier, tout en délégitimant nos interventions militaires pour les décennies à venir au sein de l’opinion publique américaine.
Cet échec irakien ne fait pas figure d’exception : dans tous les autres cas, les répercussions les plus importantes ont été les conséquences indésirables. En 1953, la CIA contribua à évincer le gênant Premier Ministre nationaliste Mohammad Mosaddegh en Iran. En obtenant sa chute, Washington et ses alliés espéraient que le shah, Mohammad Reza Pahlavi, serait un allié régional plus fiable qui éloignerait son pays du camp soviétique. Mais sa corruption baroque et sa répression sévère – des tendances encouragées par ses soutiens américains –, ont finalement conduit à la révolution de 1979, qui porta au pouvoir un régime islamiste farouchement anti-américain ayant parrainé le terrorisme et déstabilisé la région depuis lors. Dans l’Afghanistan des années 1980, l’appui américain en faveur des moudjahidines islamistes a contribué à saper l’Union soviétique. Or, cette campagne a également encouragé une décennie de chaos, une guerre civile, la montée du gouvernement brutal des Taliban et le renforcement de la mouvance djihadiste globale. Elle a également conduit à une autre intervention militaire américaine après les attentats du 11 septembre 2001, qui avaient été planifiés par des terroristes d’al-Qaïda basés en Afghanistan. En 2011, après un soulèvement populaire en Égypte, les États-Unis ont utilisé leur influence diplomatique pour aider à mettre fin au règne répressif d’Hosni Moubarak, qui durait depuis des décennies. La situation s’est toutefois détériorée dans les années qui suivirent. En 2012, les élections ont porté au pouvoir un gouvernement islamiste de rupture. L’année suivante, ce dernier a été violemment renversé et remplacé par un nouveau régime militaire dirigé par le général Abdel Fattah al-Sissi, qui s’est montré encore plus répressif que celui de Moubarak.
En 2011, l’éviction de Kadhafi soutenue par les États-Unis et l’effondrement de l’État libyen qui en a résulté ont conduit à une violence généralisée, encouragé la prolifération des armes dans la région, exacerbé l’instabilité au Tchad et au Mali voisins et renforcé la détermination de la Russie à ne plus jamais permettre au Conseil de Sécurité de l’ONU d’adopter une résolution qui faciliterait un changement de régime, comme ce fut le cas en Libye. Les partisans du renversement de Kadhafi espéraient que cette campagne inciterait d’autres dictateurs à accepter de quitter le pouvoir de crainte de subir le même sort. En fait, cette intervention a eu l’effet inverse. En Syrie, par exemple, le Président Bachar el-Assad a vu que Kadhafi avait été brutalement torturé et liquidé par les rebelles libyens. En réponse, il décida de réprimer encore plus impitoyablement ses opposants, créant une ouverture pour les djihadistes, qui se sont ensuite répandus dans l’Irak voisin et y ont sapé le gouvernement local.
La tentative des États-Unis et d’autres puissances de renverser Assad en soutenant les rebelles de l’opposition s’est avérée encore plus catastrophique [qu’en Libye]. La Russie et l’Iran étant déterminés à maintenir Assad au pouvoir, des années d’aide militaire extérieure en faveur de la rébellion ont conduit non pas à son éviction, mais à une contre-escalade de la part de son régime et de ses sponsors étrangers. Ce processus a donc alimenté une guerre civile particulièrement vicieuse, une tragédie humanitaire, des flux de réfugiés jamais observés depuis la Seconde Guerre mondiale – qui ont eux-mêmes provoqué une réaction populiste en Europe –, et une explosion de l’extrémisme djihadiste. Le désir de renverser le meurtrier Assad était compréhensible. Mais les conséquences de ces tentatives infructueuses se sont avérées pires que le fait de ne rien faire, d’autant plus que personne ne souhaitait envahir et occuper la Syrie moins d’une décennie après l’invasion catastrophique de l’Irak.
La nature a horreur du vide
Le cœur du problème est qu’à chaque fois qu’un régime est détruit, ou simplement affaibli par des forces extérieures comme en Syrie, un vide politique et sécuritaire émerge et une lutte pour le pouvoir débute. En l’absence de sécurité, les gens ressentent qu’ils n’ont pas d’autres alternatives que de s’organiser, de s’armer et de se tourner vers les réseaux de parenté, les tribus et les communautés religieuses pour se protéger. En retour, ce phénomène exacerbe le sectarisme et les rivalités internes, et conduit parfois à des revendications sécessionnistes. Dans la perspective d’une intervention [extérieure,] des groupes ayant peu de points communs forment des coalitions de complaisance. Mais une fois le régime tombé, ils se retournent rapidement les uns contre les autres. Trop souvent, les groupes les plus extrêmes ou les plus violents s’imposent et les forces plus modérées ou pragmatiques sont mises hors jeu ; inévitablement, les exclus du pouvoir s’organisent pour tenter de le reprendre à ceux qui l’ont saisi. Lorsque les États-Unis ont tenté de combler le vide eux-mêmes, comme ils l’ont fait en Irak et en Afghanistan, ils sont devenus la cible des autochtones et des États voisins qui résistaient à l’ingérence étrangère ; au final, ils ont sacrifié des milliers de vies et dépensé des milliards de dollars, mais sans parvenir à instaurer la stabilité dans ces pays.
Le vide sécuritaire provoqué par un changement de régime entraîne non seulement une lutte pour le pouvoir au sein des États, mais génère invariablement une concurrence impitoyable entre rivaux régionaux. Lorsque les gouvernements tombent – ou qu’ils semblent proches de s’effondrer –, les puissances régionales et même mondiales se précipitent avec de l’argent, des armes et parfois même leur force militaire pour mettre leurs propres mandataires au pouvoir et intégrer le pays dans leur orbite. À l’époque de la guerre en Irak, l’affirmation répétée de la secrétaire d’État Condoleezza Rice voulant que la recherche, par Washington, de « la stabilité aux dépens de la démocratie » au Moyen-Orient n’avait produit ni l’une ni l’autre était largement valide. Or, il s’est avéré que cette stratégie avait un corollaire, soit le fait que la mise en priorité de la démocratie au détriment de la stabilité pouvait avoir le même résultat, mais à un coût encore plus élevé.
Les Américains aiment croire que leurs interventions étrangères sont généreuses, bénignes et largement appréciées. En réalité, même lorsqu’elles contribuent à renverser des régimes impopulaires, elles ne sont pas nécessairement accueillies comme des initiatives libératrices. En effet, même les interventions bien intentionnées au Moyen-Orient ont fréquemment suscité une résistance violente. Après le coup d’État de 1953 en Iran, les États-Unis se sont attirés beaucoup d’antipathie pour avoir intronisé un shah dictatorial, ce qui a débouché sur un anti-américanisme virulent qui perdure encore aujourd’hui. En Afghanistan, où la méfiance à l’égard des étrangers est profonde, Hamid Karzai – le dirigeant que Washington a favorisé après son invasion de 2001 –, n’a jamais pu échapper au sentiment local qu’il était mis au pouvoir et soutenu par des puissances extérieures. Aujourd’hui, débarrasser le pays de l’occupation des troupes américaines reste le cri de ralliement le plus central des Taliban de l’opposition. Dans un exemple encore plus célèbre, la prédiction du Vice-président Dick Cheney voulant que les soldats américaines seraient « accueillis comme des libérateurs » en Irak s’est avérée totalement fausse, et a été suivie par des années de sanglante insurrection anti-américaine.
Même les dirigeants prétendument amis que les États-Unis ont mis en place n’ont pas toujours agi selon les souhaits de Washington. Après tout, ils sont obligés de se préoccuper de leurs propres intérêts locaux, et ils doivent fréquemment tenir tête à des puissances extérieures pour renforcer leur légitimité. Bien souvent, ils ont défié Washington sur une série de questions nationales et internationales, sachant que leurs sponsors américains n’avaient guère d’autre choix que de continuer à les soutenir. Et loin d’exercer une influence positive sur ces dirigeants et d’aider les États-Unis à surmonter ces défis, de nombreux acteurs régionaux et mondiaux font exactement le contraire. Pendant des décennies, le Pakistan a aidé à contrecarrer les initiatives des États-Unis visant à stabiliser l’Afghanistan. L’Iran a sapé les efforts américains en Irak en soutenant de violentes milices chiites. La Libye a été déchirée par des puissances extérieures concurrentes soutenant des mandataires rivaux. Et en Syrie, la Russie et l’Iran ont répondu à chaque escalade américaine par une contre-escalade. En effet, ils étaient déterminés à empêcher le changement de régime parrainé par les États-Unis, en partie car ils craignaient que les Américains n’aient un jour l’idée de remplir ce même objectif à Téhéran ou à Moscou. Bien souvent, ces acteurs régionaux réussissent parce qu’ils ont plus d’influence locale et davantage d’intérêts à gagner la guerre que les États-Unis, d’autant qu’il est beaucoup plus facile de provoquer le chaos que de l’empêcher.
Les interventions américaines les plus récentes au Moyen-Orient ont cherché à remplacer des régimes autocratiques par des gouvernements démocratiques. Or, même si ces actions avaient évité les écueils des vides sécuritaires, de la résistance populaire et des mandataires indignes de confiance, il aurait été peu probable qu’elles instaurent de nouvelles démocraties. Bien qu’il n’y ait pas de recettes claires pour le développement d’un tel régime politique, des recherches scientifiques approfondies suggèrent que les principaux ingrédients comprennent un degré élevé de développement économique ; une homogénéité ethnique, politique et culturelle significative, ou au moins un récit national partagé ; et l’existence antérieure de normes, pratiques et institutions démocratiques. Hélas, les États du Moyen-Orient contemporain manquent de tous ces attributs. Évidemment, les conclusions de ces recherches ne signifient pas que la démocratie y est impossible, ou que la promotion de ce type de régime politique ne doit plus être une aspiration américaine. Néanmoins, elles suggèrent que la volonté de faire tomber des régimes au Moyen-Orient avec l’espoir d’y développer des démocraties n’est qu’un vœu pieux dans sa forme la plus extrême.
Apprendre à nos dépens
Le désir profond des Américains de régler les problèmes au Moyen-Orient est honorable à bien des égards, mais il peut aussi s’avérer dangereux. Révélée par des décennies d’expériences douloureuses dans cette région, la dure réalité est qu’il existe des problèmes qui ne peuvent être entièrement résolus, et que le fait d’essayer de les résoudre peut aggraver les choses.
Une partie du problème est que les décideurs politiques américains manquent souvent d’une compréhension approfondie des pays en question, ce qui les rend vulnérables aux manipulations d’acteurs ayant leurs propres intérêts. La plus célèbre incarnation de ce phénomène est l’exilé irakien Ahmed Chalabi, qui a aidé à convaincre l’administration Bush que l’Irak possédait des armes de destruction massive, et que les soldats américains seraient accueillis comme des libérateurs dans ce pays. Des années après l’invasion, les autorités irakiennes ont arrêté Chalabi en l’accusant de contrefaçon et de manœuvres visant soi-disant à faire avancer les intérêts de l’Iran. Des scénarios comparables se sont déroulés en Libye, en Syrie et ailleurs, où même des exilés bien intentionnés ont dit aux Américains et à leurs alliés ce qu’ils voulaient entendre pour gagner le soutien des pays les plus puissants du monde. Dans chaque cas de figure, ce processus a conduit à d’énormes erreurs de calcul sur ce qui se passerait à la suite de l’intervention américaine, presque toujours dans le sens d’un optimisme excessif.
Au Moyen-Orient, les Américains continuent de miser sur l’espoir plutôt que sur l’expérience, en raison d’une tendance persistante à sous-estimer le degré de ressources et d’engagement requis pour se débarrasser d’un régime hostile, et pour stabiliser la situation une fois qu’il sera éliminé. Mais de nombreuses décennies d’expérience montrent que les systèmes autocratiques ne renoncent jamais au pouvoir face aux seules sanctions économiques – qui affectent bien plus les populations locales que leurs dirigeants –, ou même face à des niveaux modestes d’engagement militaire. De nombreux autocrates du Moyen-Orient ont été prêts à risquer, et même à perdre leur vie plutôt que d’abandonner volontairement leur pouvoir. Ainsi, lorsque les États-Unis veulent se débarrasser de ces dirigeants, ils doivent aller bien au-delà des remèdes bon marché souvent proposés par les partisans du changement de régime, comme la mise en place de zones d’exclusion aérienne, le lancement de frappes aériennes et la fourniture d’armes aux oppositions. Au lieu de cela, d’importants déploiements militaires américains sont nécessaires pour déloger ces dirigeants. Et même après leur départ, il est toujours beaucoup plus coûteux de gérer les conséquences d’un changement de régime que ne le suggèrent les partisans de cette option. En outre, bien que les responsables à Washington imaginent souvent que leurs partenaires régionaux ou internationaux les aideront à supporter les conséquences et assumer les coûts d’un changement de régime, cela se produit rarement dans la réalité.
Certains de ces problèmes seraient gérables si l’engagement, la patience et la persévérance du public américain étaient infinis, ce qui n’est pas le cas. En effet, nos dirigeants et les partisans des guerres de changement de régime reconnaissent rarement les coûts élevés probables d’une action dont ils plaident l’utilité. Ainsi, une fois que la crise immédiate est passée et que la perception des menaces a diminué, le soutien du grand public s’estompe. La plupart des Américains ont initialement soutenu les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak. Mais au fil du temps, ils ont majoritairement conclu que ces deux interventions étaient des erreurs. Rappelons alors qu’aucun réel soutien public n’a existé pour des opérations de changement de régime ou de maintien de la paix en Libye et en Syrie. Dans tous les cas, à mesure que les problèmes s’accumulaient et que les coûts de ces guerres augmentaient, l’appui de l’opinion disparaissait, sachant que ce soutien est indispensable pour réussir de telles campagnes.
Dites juste non
À l’avenir, nous pourrons observer des cas où le terrorisme de masse, le génocide, une attaque directe contre les États-Unis ou un pays utilisant ou favorisant la prolifération d’armes nucléaires font que les avantages de la suppression d’un régime menaçant dépassent les coûts. Mais si l’Histoire est un guide, de tels cas seront rares ou inexistants. Et même s’ils surviennent, ils exigeront de la prudence, de l’humilité et de l’honnêteté quant aux coûts et conséquences probables des réponses militaires que nous souhaiterons y apporter.
Les guerres de changement de régime tenteront toujours Washington. Tant qu’il existera des États qui menacent les intérêts américains et maltraitent leur peuple, nos dirigeants et nos experts souhaiteront périodiquement utiliser notre puissance militaire, diplomatique et économique sans précédent pour se débarrasser des mauvais régimes et les remplacer par de meilleurs gouvernements. L’Histoire longue, complexe et tragique des opérations de changement de régime soutenues par les États-Unis au Moyen-Orient suggère cependant que de telles tentations – comme la plupart des solutions hâtives qui surviennent dans la vie courante et la politique –, devraient être combattues. La prochaine fois que les dirigeants américains proposeront d’intervenir dans cette région pour y renverser un régime hostile, l’on peut supposer sans risque qu’une telle entreprise sera moins fructueuse, plus coûteuse et plus riche en conséquences imprévues que ses partisans ne le pensent ou l’admettent. Jusqu’à présent, du moins, l’on a jamais observé la tendance inverse.
Article original par Philip H. Gordon
Traduction exclusive par Maxime Chaix