Enchaînant les camouflets à l’étranger, Macron doit se recentrer sur l’avenir de la France

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Depuis plusieurs mois, le Président Macron fait preuve d’un activisme diplomatique dont nous pourrions nous réjouir, à première vue. Hélas, entre l’impasse de ses projets au Liban, les difficultés de nos « proxies » en Libye, son récent camouflet malien face à Iyad ag Ghali et la reprise des forages turcs en Méditerranée orientale, les échecs élyséens se multiplient. Dans ce contexte, la virulence verbale de Macron à l’égard de ses rivaux étrangers ne suffit plus à masquer cet enchaînement de « Bérézina ». Or, la France doit affronter une crise sanitaire engendrant un effondrement économique qui devraient contraindre nos autorités à se recentrer sur le bien-être et l’avenir de leurs administrés, au lieu de poursuivre des batailles militaro-diplomatiques perdues d’avance. Comme nous allons l’expliquer, la fermeté rhétorique de Macron à l’international ne doit plus nous faire oublier qu’il est le garant de l’unité d’une Nation au bord du précipice.  

 

Malgré l’activisme diplomatique de l’Élysée, une succession de camouflets 

 

En France, une vive polémique a éclaté suite à la libération de l’otage franco-suisse Sophie Pétronin. En effet, après quatre ans de détention, cette dernière a déclaré qu’elle s’était convertie à l’islam, que ses ravisseurs affiliés à al-Qaïda appartenaient selon elle à des « groupes d’opposition armée au régime », et qu’elle souhaitait « revenir au Mali voir ce qui se passe ». Logiquement, les milieux militaires et la Droite française au sens large se sont offusqués de ces déclarations, d’autant plus que le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) a revendiqué la libération de 204 de ses djihadistes en échange de l’ancien ministre malien Soumaïla Cissé, de Sophie Pétronin, de Nicola Chiacchio et de Pier Luigi Maccalli. Chef du GSIM, Iyad ag Ghali a ostensiblement célébré ce succès en médiatisant une prière collective et un méchoui géant, alors que les Forces spéciales françaises traquent en vain cette figure locale d’al-Qaïda depuis 2013. Selon certaines sources, la rançon empochée par le GSIM s’élèverait d’ailleurs à 10 millions d’euros

 

Comme l’a souligné le spécialise des questions de Défense Meriadec Raffray, « à Paris, les partisans du retrait de la France du Mali se réjouissent. Surgit peut-être l’opportunité “d’arrêter les frais”. 48 soldats français morts depuis 2013 et un effort capacitaire très important pour des victoires tactiques indiscutables, mais un bilan stratégique faible. En 7 ans, si le Mali ne s’est pas effondré, la reconstruction des institutions et le retour de l’État dans la province reste un objectif à atteindre. Pour la France et ses soldats, la contrepartie de cette négociation [sur les otages] est un véritable camouflet. » Cet échec manifeste fait suite à une autre déconvenue majeure de la France au Mali. En effet, selon nos sources, les services de renseignement français n’ont pas vu venir le coup d’État récent à Bamako, et cet évènement nous indique que Paris est en difficulté croissante dans ce pays. 

 

Hélas, les déconvenues de la diplomatie française ne se limitent pas à l’Afrique de l’Ouest. Lorsque la Turquie a récemment accepté de stopper ses prospections d’hydrocarbures en Méditerranée orientale, certaines sources ont estimé que la fermeté de la France face à Erdogan finissait par porter ses fruits à l’issue du dernier sommet européen. Malheureusement, le Président turc a fait volte-face en décidant de reprendre ces explorations jusqu’au 20 octobre prochain. À l’aune de l’ouverture d’un nouveau front par la Turquie et ses alliés azéris dans le Haut-Karabagh, Ankara semble résolue à poursuivre son aventurisme militaire malgré les vives protestations de Paris, qui se retrouve d’ailleurs dans le même camp que Moscou dans ce conflit et dans la guerre civile libyenne.

 

Grâce à l’intervention turque lancée en janvier dernier, le gouvernement de Tripoli proche des Frères Musulmans mais reconnu par l’ONU a infligé de sérieux revers à notre allié, le maréchal Haftar – dont les plans de conquête de la capitale libyenne ont été mis en échec. Là encore, l’agressivité verbale de Macron en juin dernier, et son déni d’avoir clandestinement soutenu Haftar montre que la France est en situation d’échec dans le conflit libyen. La même virulence rhétorique du locataire de l’Élysée a choqué les Libanais, lorsqu’il a fustigé fin septembre la « trahison » des élites politiques locales après qu’elles n’aient pu former un gouvernement de transition dans le bref délai qu’il exigeait. Comme l’a observé ensuite le chercheur Fabrice Balanche, « après avoir refusé la médiation française, [le Liban] accepte la médiation américaine car elle a plus de chance d’aboutir : un camouflet pour la diplomatie française ». Un de plus, comme nous venons de le constater.

 

Pourquoi Macron doit limiter son activisme international et se concentrer davantage sur nos crises internes

 

En août dernier, une photo de notre Président a suscité de nombreux commentaires sarcastiques. Publiée dans le sillage de l’explosion catastrophique du port de Beyrouth, cette image le mettait en scène seul sur son jet-ski en Méditerranée, contemplant l’horizon avec un regard déterminé, comme s’il était investi d’une mission d’héroïque chevalier blanc censé régler les tourments d’un monde de plus en plus instable et turbulent. À l’époque, de nombreux commentateurs politiques estimaient qu’il laissait à son nouveau Premier Ministre la charge de gérer les problèmes internes suscités par la pandémie de coronavirus et le confinement qui en a résulté. Hélas, l’enchaînement de camouflets sur la scène internationale, et la désastreuse situation économique, sociale et sanitaire que subit une majeure partie de la population française doit impérativement le conduire à se focaliser sur notre présent et notre avenir.

 

En effet, Emmanuel Macron est certes le chef des Armées, mais il est aussi le garant de l’unité de la Nation. Or, avant même la crise actuelle, la soudaine révolte des Gilets Jaunes indiquait déjà que la France était menacée d’une véritable dislocation, qui est encouragée par les séparatismes au pluriel. En effet, l’on peut déplorer qu’un nombre croissant de nos concitoyens cèdent aux sirènes du communautarisme islamiste. Or, nous considérons que le séparatisme le plus dangereux et insidieux est celui de la sécession des percentiles les plus riches de la population française, qui payent de moins en moins d’impôts tout en accumulant un nombre indécent d’épargne et de dividendes. À terme, l’explosion de ces inégalités ne pourra être soutenable sans déclencher des vagues de révoltes violentes, en particulier si la disparition programmée de l’argent liquide se concrétisait.

 

Comme l’avait souligné Édouard Philippe lorsqu’il était Premier Ministre, l’effondrement de l’économie française engendré par le confinement n’a jamais été observé dans une telle ampleur depuis la Seconde Guerre mondiale. Au début de cette crise, le Président français avait d’ailleurs adopté un ton martial en annonçant que nous étions « en guerre ». À l’époque, nous estimions plutôt être « en guère » de moyens pour contrer la pandémie, dont les masques, les tests et les équipements de protection pour le personnel soignant – expliquant alors que la santé publique était un véritable enjeu de sécurité nationale qui devait être considéré comme tel par nos autorités. En effet, l’impréparation de nos gouvernants face au risque pandémique, aggravée par la destruction progressive de l’hôpital public avait engendré une incapacité structurelle à affronter le coronavirus sans saturer nos établissements hospitaliers. Il a en résulté un confinement aveugle de la population française, adopté dans la panique alors que nos dirigeants appelaient 47,7 millions de leurs administrés à voter quelques heures avant de les confiner massivement. Le résultat de cette improvisation politique se chiffre désormais en dizaines de milliards d’euros, ce qui déstabilise la France et hypothèque notre avenir commun.

 

Concrètement, quelles leçons devons-nous tirer de ce fiasco ? La première, et selon nous la plus évidente, est la faillite complète de l’idéologie austéritaire, managériale et inégalitaire dont le « macronisme » est l’incarnation ultime. En effet, la transformation persistante du bien commun et des services publics en secteurs privatisables devant être soumis aux lois de la concurrence et à la rationalisation frénétique conduit à transformer une crise sanitaire initialement surmontable en un gouffre financier vertigineux. En d’autres termes, l’on a pu constater que la destruction rampante de l’hôpital public finit par coûter des dizaines de milliards d’euros à l’État, donc aux contribuables, du fait d’un confinement aveugle décidé avant tout pour éviter la saturation d’hôpitaux déjà débordés en temps normal.

 

Un vaste plan de relance du secteur hospitalier français devrait donc être considéré comme une priorité absolue par les pouvoirs publics, quitte à rogner sur les dépenses militaires au vu des nombreuses déconvenues que notre aventurisme engendre sur la scène internationale. Encore une fois, l’une des leçons les plus évidentes de cette crise est que, si l’on soumet le secteur de la santé publique à une réduction drastique de ses moyens humains, matériels et financiers, une simple pandémie peut déstabiliser la France entière et engendrer des mesures extrêmement coûteuses pour l’ensemble de la collectivité nationale. Or, cette leçon a-t-elle été comprise par nos autorités ?

 

Comme le médecin urgentiste Yonathan Freund l’a récemment souligné, « à l’AP-HP, il y a eu 3 500 lits fermés cet été, et actuellement plus de 1 000 par manque de personnel. À l’AP-HP, ce sont plus de 500 postes infirmiers qui ne sont pas pourvus et un manque réel estimé à 1 000. Pas sûr que ce ne soit qu’un problème d’organisation », comme Macron l’a récemment affirmé. Plus globalement, nos confrères de 24Heures.ch ont observé que « les services de soins intensifs sont sous pression, alors que les capacités en réanimation n’ont pas augmenté depuis mars. Les soignants sont en colère. » Même son de cloche sur Europe 1, où le « président de la Commission médicale d’établissement de l’AP-HP, s’inquiète (…) d’un risque de saturation et réclame plus de moyens. Et prévient déjà que “certains lits ne peuvent pas ouvrir faute de personnels”. » Selon lui, « depuis plusieurs années, on fait des économies. On a des budgets insuffisants, ce qui fait que l’hôpital est fragilisé ». Désabusé, un chef de pôle de l’AP-HM explique que les tensions dans les services hospitaliers face au coronavirus contraint les soignants à déprogrammer les opérations de malades qui arrivent « en fin de traitement pour un cancer. (…) Cette politique favorise les pertes de chance pour les patients, et cela arrive autant dans les services de chirurgie adulte qu’enfant ». Pas certain qu’Olivier Veran ait conscience de la gravité de cette situation, lorsqu’il souligne que « chaque région dispose désormais d’une stratégie permettant d’augmenter ses capacités de réanimation, y compris en passant par la déprogrammation des actes chirurgicaux non urgents. » 

 

Soyons clairs : il est louable qu’Emmanuel Macron déploie une part importante de son énergie sur la scène internationale. Il est dans son rôle, et l’on ne peut que saluer son opposition frontale à un militarisme turc de plus en plus menaçant. Hélas, notre Président semble oublier que la situation économique, sociale et sanitaire française est extrêmement préoccupante, ce qui se traduit concrètement par un appel de ses administrés à une présidence davantage centrée sur des problématiques internes. En d’autres termes, à l’aune de ses déconvenues à l’étranger, le costume du Général de Gaulle endossé par Emmanuel Macron semble trop grand pour lui. Il est peut-être temps qu’il s’en débarrasse au profit d’un rôle plus constructif, utile et adapté vis-à-vis de notre présent et de notre avenir.

 

En clair, pourquoi n’enfilerait-il pas le costume de Franklin Roosevelt après la Seconde Guerre mondiale, au vu des ravages que l’idéologie qu’il promeut a engendrés sur notre secteur hospitalier, donc sur notre économie du fait d’un confinement disproportionné ? Plus que jamais, il est temps de défendre la nécessité d’un « New Deal » sanitaire. En effet, la saturation des hôpitaux engendrée par la pandémie de coronavirus, et la lente destruction de ce service public essentiel menace plus que jamais l’équilibre de notre société, donc notre sécurité nationale et notre avenir commun.

 

Maxime Chaix

 

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